C'est une enquête de Médiapart qui l'énonce : la commission culturelle de l'émirat islamique a ordonné aux autorités administratives et religieuses de deux provinces d'établir dans chaque village des listes de jeunes filles célibataires et de veuves âgés de moins de quarante ans. Contraintes par les autorités administratives et religieuses, femmes et filles craignent d'être mariées de force aux guerriers talibans.
Une peur déjà largement banalisée en Afghanistan. Et qui se voit d'autant plus exacerbée depuis le passage en juillet dernier d'un nouveau décret de la Commission culturelle de l'émirat islamique intitulé "Annonce de l'émirat islamique concernant le droit des jeunes filles et des veuves au mariage avec des combattants de l'émirat islamique". Un décret érigeant dans certaines provinces ces mariages forcés avec les combattants talibans en... obligation religieuse.
"Il n'est fait mention dans le texte ni, bien sûr, de leur consentement ni de celui de leurs familles : en Afghanistan, 90 % des mariages sont arrangés", déplore Médiapart. Un état des lieux alarmant.
"Je reçois des rapports de femmes et de filles contraintes de se marier avec des combattants talibans qui, à la différence de leurs responsables politiques, agissent de la même façon que lorsqu'ils étaient au pouvoir", confiait déjà l'ancienne députée et défenseure des droits des femmes Fawzia Koofi à Médiapart en novembre 2020.
"Afin d'éradiquer l'ignorance et l'athéisme, ainsi que les problèmes sociaux que connaissent les jeunes gens de cette province, les responsables de l'émirat islamique donnent l'ordre, en concertation avec les habitants de cette province, de fournir à la Commission culturelle des combattants de l'émirat islamique une liste des jeunes filles de plus de 15 ans et des veuves âgées de moins de 45 ans afin que, si Dieu le veut, ces jeunes filles soient mariées aux combattants, selon la loi de la religion", détaille encore le décret établi en juillet dernier. Les filles et femmes concernées devraient être transférés au Waziristan, région montagneuse du nord-ouest du Pakistan.
Pourquoi ? Car le Waziristan serait une région où "les objectifs et apprentissages des leçons islamiques [sont] purs, ainsi que l'acceptation de l'islam dans sa globalité et des écoles religieuses", développe le décret de la Commission culturelle de l'émirat islamique.
Face à ces menaces, filles et femmes protestent et manifestent. Cela fait trois jours que les citoyennes Afghanes descendent dans les rues de Kaboul pour défendre leurs droits, rapporte France 24. Des manifestations dispersées par les tirs de sommation et les gaz lacrymogènes des talibans. Parmi les slogans ? "Vous n'avez pas de légitimité sans les droits des femmes, talibans, talibans".