Alors que Hollywood connaît une crise sans précédent après les multiples accusations d'abus et de harcèlements sexuels qui pèsent sur le célèbre producteur Harvey Weinstein, un scandale similaire pourrait éclater dans le monde de la mode. Le mannequin Cameron Russell a décidé de dévoiler plus d'une dizaine de témoignages anonymes de ses consoeurs top-models, victimes d'agressions sexuelles subies dans le cadre de leur travail. Illustrées par le hashtag #MyJodShouldNotIncludeAbuse ("Mon boulot ne devrait pas comporter d'abus") et postées jeudi 12 octobre sur Instagram, ces révélations -tout comme celles des actrices qui ont croisé la route d'Harvey Weinstein- font froid dans le dos.
"Salut Cameron, il y a environ un an, je me suis rendue à un casting qui avait été organisé par mon agence de mannequins. J'étais seule avec le propriétaire dans un immense bâtiment. Il avait environ 40 ans, ou un peu moins. Après avoir pris quelques photos, il m'a demandé de me déshabiller pour me photographier en sous-vêtements. Alors que je faisais ce qu'il m'avait demandé, il m'a dit de danser de façon sexy devant la caméra ... Il a fini par essayer de m'embrasser et de s'asseoir derrière moi, de toucher l'intérieur de mes jambes. J'étais tellement effrayée et confuse , qu'il m'a fallu du temps pour finalement me dire que je devais m'en aller".
A l'instar de ce récit glaçant, la plupart des témoignages postés sur le compte Instagram de Cameron Russell racontent des histoires de jeunes modèles encouragés à se déshabiller lors de séances-photos, à danser de façon provocante, ou encore de photographes qui leur ont fait des avances en touchant leurs seins et leurs organes génitaux. Certains mannequins ont courageusement dévoilé les noms de leurs agresseurs, bien que Cameron Russell les ait effacés afin de protéger les témoins. Cependant, les publications font presque toutes référence à "un photographe légendaire", "un grand designer italien" ou encore à "un photographe très respecté", ce qui suggère que tous que ces agresseurs sont connus comme le loup blanc dans leur domaine.
C'est précisément pour briser ce tabou et en finir avec la toute-puissance de certains hommes dans le monde de la mode que Cameron Russell, elle-même victime de plusieurs harcèlements de la part de certains de ses confrères, incite les femmes à faire entendre leur voix. "Nous devons trouver un moyen de briser le silence tout en restant protégées. Nous ne parlons pas d'un, mais de cinq ou même de vingt hommes. Nous parlons d'une culture de l'exploitation, et cela doit cesser. Si vous souhaitez partager votre histoire anonymement, envoyez-moi directement un message et je partagerai votre histoire. Si vous souhaitez la partager publiquement, utilisez le hashtag #MyJobShouldNotIncludeAbuse", indique le mannequin avant d'ajouter qu'une telle démarche est nécessaire pour que l'industrie de la mode puisse réaliser "la taille et la l'ampleur de ce problème".
De la même manière que l'on s'est ému des témoignages des actrices sexuellement harcelées et/ou abusées par Harvey Wenstein, la question qui brûle toutes les lèvres resurgit à la lecture de ces témoignages : "Pourquoi avoir gardé le silence pendant aussi longtemps ?". À cette question, Cameron Russell répond : "J'ai souvent été qualifiée de féministe pour avoir signalé des attouchements, des fessées, des pincements, ou encore des appels téléphoniques et des textos à caractère sexuel. Et parce que la réponse a toujours été "êtes-vous surprise? "ou" cela fait partie de votre boulot ", je les ai tolérés", regrette le mannequin.
Espérons que la démarche de Cameron Russell et les récents témoignages contre Harvey Weinstein contribueront à briser l'omerta, à libérer la parole dans l'univers de la mode et du cinéma- mais également dans les autres secteurs professionnels- et inciteront davantage les victimes d'agressions sexuelles à demander de l'aide et à nommer leurs agresseurs.