On ne peut pas vraiment dire que la sortie aux éditions Grasset du premier livre d'Alice Coffin, Le Génie Lesbien, laisse l'opinion publique - et médiatique - indifférente. L'essai foisonnant de la journaliste et militante LGBTQ inspire même les proses les plus corrosives. Dans les pages de Paris Match par exemple, la journaliste Pauline Delassus, féministe et lesbienne (comme elle le précise), fustige un ouvrage "sectaire, simpliste, intransigeant", témoignant d'une "idéologie rétractée, communautariste."
Et ce qui déplaît notamment la reporter, écrit-elle encore dans cette tribune, est le fait qu'Alice Coffin précise "ne plus lire de livres écrits par des hommes, regarder de films réalisés par des hommes, ne plus écouter de musique composée par des hommes". En somme, que l'élue écologiste au Conseil de Paris privilégie plus que tout des oeuvres d'autrices, de réalisatrices, de compositrices... De femmes, donc.
Une véritable prise de position qui échauffe bien des esprits, comme celui d'Eric Naulleau, qui ironise sur Twitter : "En soutien à Alice Coffin, j'ai décidé de ne plus lire désormais que les tweets rédigés par des femmes. Merci de joindre une pièce d'identité à vos posts". Mais bien heureusement, la malveillance n'est pas majoritaire.
La preuve ? Sur les réseaux, de nombreuses internautes en profitent, mots-clés à l'appui (#JeSoutiensAliceCoffin et #Choisirlesfemmes) pour recommander leurs meilleures lectures féminines... et féministes.
Au fil des tweets, anonymes et militantes prescrivent ainsi la réhabilitation d'autrices comme Ursula Le Guin (l'un des grands noms de la science-fiction américaine), laquelle "invente littéralement des mots et des langues", Malorie Blackman, écrivaine afroféministe de romans jeunesse, ou encore Robin Hobb, plume majeure et pourtant trop mésestimée de l'heroic fantasy (avec son cycle L'assassin royal). Que de bons conseils.
D'une publication à l'autre, photographies type #bookstagram et grands noms se succèdent. Virginia Woolf, Joyce Carol Oates, Virginie Despentes, Marguerite Yourcenar... De quoi encombrer d'autant plus les étagères de notre bibliothèque déjà bien fournie. Alors que certaines internautes recommandent des autrices lesbiennes comme Anne Pauly, Constance Debré et Fatima Daas (l'une des révélations de cette rentrée littéraire), d'autres entremêlent publications contemporaines et classiques - la philosophe Simone Weil (La condition ouvrière, Oppression et liberté) y côtoie notamment Vanessa Springora et son essentiel Consentement.
"Alice Coffin n'est pas la seule féministe à prioriser les femmes. Moi aussi j'essaie de lire que des livres écrits par des femmes, et d'écouter que des chansons chantées par des femmes", explique en retour Fabienne El-Khoury, militante féministe et co-porte-parole de l'association Osez le féminisme. Pour l'activiste, cette démarche n'est pas gratuite. Non, elle permet avant tout "un petit break dans notre monde phallocentré". Une réponse somme toute logique à la prédominance des hommes au sein de notre société patriarcale. Et si on tournait la page ?