Elle était la plus vieille survivante de l’holocauste. Dimanche, Alice Herz-Sommer s’est éteinte « paisiblement » à Londres à l’âge de 110 ans, « avec sa famille à son côté », a annoncé son petits-fils Ariel Sommer. Juive originaire de Prague, la pianiste amie de l'écrivain existentialiste Franz Kafka, avait distrait ses codétenus du camp de concentration de Terezin, en Tchécoslovaquie pendant près de deux ans, par sa musique.
Déportée en 1943 à l’âge de 40 ans avec son fils, elle racontait ainsi au Guardian en 2006, l’importance de la musique dans ces souvenirs difficiles : « Les gens me demandent souvent: "Comment pouviez-vous faire de la musique?" Ce à quoi je réponds : "Nous étions si faibles. Mais la musique était quelque chose de spécial, comme un envoûtement. J'ai donné plus de 150 concerts là-bas. Il y avait d'excellents musiciens à mes côtés: violonistes, violoncellistes, chanteurs, chefs d'orchestre, compositeurs..."»
En 1944, son époux Leopold Sommer, lui aussi musicien, est déporté à Auschwitz, elle ne le reverra pas. Son fils, Rafael, survit avec elle et deviendra un violoncelliste et chef d'orchestre reconnu, mais mourra avant sa mère en 2001. En 1945, Alice Herz-Sommer émigre en Israël puis s'installe en Grande-Bretagne. A 102 ans, elle dira ainsi de sa vie qu’elle fut « magnifique » : « J'ai traversé nombre de guerres et j'ai tout perdu à de nombreuses reprises, y compris mon mari, ma mère et mon fils bien-aimé. Pourtant, la vie est magnifique, et j'ai tant de choses à apprendre. Je n'ai ni la place, ni le temps pour le pessimisme et la haine. »
C’est cette vie que le réalisateur Malcolm Clarke a voulu raconter dans un film intitulé « The Lady in Number 6 : Music Saved My Life ». Un court-métrage de 38 minutes, nominé pour l'Oscar du meilleur documentaire le 2 mars prochain, dans lequel Alice Herz-Sommer y affirme l'importance de la musique et du rire pour mener une vie heureuse. Car, rappelle son petit-fils : « Elle nous aimait, riait avec nous et chérissait la musique avec nous. Elle était une source d'inspiration, et notre monde va se trouver considérablement appauvrie sans elle à notre côté. »