Pertes de mémoire, troubles du langage, changements de comportement... Tels sont quelques-uns des symptômes de la maladie d'Alzheimer, une maladie neurodégénérative progressive. Les femmes représentent plus de la moitié des personnes atteintes en France (60%), d'après la Fondation pour la recherche médicale. Elles passent pourtant encore trop souvent sous les radars, malgré des symptômes dont elles peuvent (ou leur entourage) se plaindre. Et la raison à ces diagnostics erronés ou trop tardifs est, sans surprise, sexiste.
Antonella Santuccione Chadha a étudié, aux côtés de deux autres expertes, les biais de genre qui sévissent encore dans le domaine médical. Avec Maria Teresa Ferretti et Annemarie Schumacher, la médecin a signé Sex and Gender Differences in Alzheimer's Disease, paru en 2021.
"Grâce à de bonnes capacités linguistiques, les femmes peuvent souvent dissimuler longtemps une légère déficience cognitive, de sorte que même la famille peut avoir le sentiment que tout va bien. D'un autre côté, les patientes qui se présentent avec les premiers signes d'un déclin cognitif ne sont pas toujours prises au sérieux par leurs médecins, et se voient répondre que leurs symptômes sont liés au stress ou à une déprime", explique l'experte pour Heidi.news. "Il s'agit malheureusement d'un biais commun en médecine qui conduit à des mauvais diagnostics."
Les autrices Maud Le Rest et Eva Tapiero pointent d'ailleurs elles aussi le sexisme dans le domaine de la médecine, dans leur ouvrage Les Patientes d'Hippocrate. "On imagine que les femmes dramatisent, elles ne sont pas prises au sérieux et résultat, on minimise leur douleur", analyse Eva Tapiero interrogée par Cheek.
La médecin Antonella Santuccione Chadha estime par ailleurs que certains reflexes devraient être adoptés par les professionnels de santé lorsqu'ils accueillent leurs patientes. "Un médecin qui reçoit une patiente de 60 ans présentant soudainement des signes de dépression devrait toujours se demander s'il y a des cas d'Alzheimer dans la famille", conseille-t-elle.
Et ce sexisme n'opère pas seulement dans les cabinets médicaux. Il existe également dans les laboratoires où les médicaments prescrits pour la maladie d'Alzheimer (mais pas seulement) sont conçus. Les essais cliniques intègrent en effet encore une majorité d'hommes, ce qui a pour conséquence que "la majorité des effets secondaires surviennent chez les femmes", constate la chercheuse.
Pour améliorer le diagnostic chez les femmes, des campagnes de sensibilisation "ciblant les femmes, pour les sensibiliser aux symptômes de la maladie d'Alzheimer, mais aussi pour les professionnels de la santé" devraient être lancées, préconise Antonella Santuccione Chadha.