Si les anorexiques alimentaires sont principalement mus par la terreur d'être rejetés sexuellement, l'ironie veut que les anorexiques sexuels partagent précisément la même terreur et les mêmes caractéristiques : la nécessité absolue de se contrôler et de contrôler les autres.
Les anorexiques sexuels se différencient des asexuels par ce qu'ils sont mariés ou en couple, et choisissent, au sein de cette union de ne pas avoir de rapports sexuels (ou très peu) et évitent toute sorte de rapprochement intime et émotionnel, forçant ainsi le partenaire à une abstinence forcée. Comme s'il y avait une déconnexion amoureuse, « l'anorexique » choisit de fuir : il travaille tard, préfère regarder la télévision, être disponible pour ses amis, a une vie sociale extérieure très riche, bref, il/elle donne à tous un temps de qualité et des attentions qui le font apprécier de tous, mais il/elle refuse de donner à son partenaire toute attention affective et sexuelle, au point de rendre le conjoint envieux de voir l'être aimé capable de donner à tous, sauf à soi.
Cette déconnexion voulue, cette volonté de pas toucher le partenaire sans s'excuser des blessures occasionnées, mue par l'envie d'empêcher l'autre d'accéder à ce qu'il veut, afin de le manipuler avec l'envie inconsciente de heurter, est le signe d'une insuffisance de développement émotionnel d'un individu incapable d'ouverture et de confiance en son partenaire, qui craint de se blesser.
Les anorexiques sexuels peuvent avoir de (rares) relations avec le conjoint, ou avec un autre partenaire, mais dans tous les cas, ils prennent soin de limiter la relation à ses aspects physiques, dénigrant le rapport sexuel, l'enrobant de négativité. Certains vont jusqu'à l'abstinence totale dans le but de priver l'autre, et pour ne pas être « pénétrés » dans leurs émotions. Dans ce cas, l'amour est pour eux, au mieux, une fonction biologique d'évacuation, comme celle d'uriner.
L'intimité est une chose bien plus effrayante dans son aspect émotionnel que dans la relation physique, il faut avoir une absolue confiance en l'autre pour oser s'abandonner dans ses émotions, et risquer parfois de subir afflictions et souffrances. Paradoxalement, beaucoup choisissent le mariage comme rempart contre cette épreuve insupportable, comme si le mariage venait avec la garantie d'une stabilité émotionnelle et d'une intimité sexuelle. Déçus de ne pas trouver cette protection, ils se retrouvent alors dans un processus destructif, ont des jugements rigides et catégoriques sur tout ce qui touche à la sexualité et cherchent à éviter l'acte sexuel pour fuir la vulnérabilité dans laquelle l'intime les plonge, au prix de l'annihilation d'une partie d'eux-mêmes.
La guérison de cette souffrance passe précisément par ce qui fait obstacle : la capacité à faire confiance à l'autre et à laisser fleurir les émotions.
Un processus qui ne passe pas nécessairement par une relation patient-médecin, mais par un partenaire compréhensif, imperturbable, empathique, éternellement compatissant. Une véritable union sexuelle, pour le meilleur et pour le pire...