Aziza Al-Youssef et Hala Al-Dosari se sont entretenues par vidéoconférence avec le ministre de l’Intérieur mardi 26 novembre, la mixité étant interdite en Arabie saoudite. Les propos du ministre, rapportés par les deux activistes, sont plutôt encourageants : « la question sera tranchée par les instances législatives, et nous sommes une instance exécutive » aurait-il assuré. Des déclarations qui font espérer « un décret royal octroyant le droit de conduire » dans un pays qui est le seul au monde à l’interdire aux femmes.
Le 26 octobre, plus d’une soixantaine de Saoudiennes avaient pris le volant et avaient posté des vidéos sur les réseaux sociaux. Il s’agissait de défier les autorités du royaume qui ont immédiatement fait pression pour mettre fin à l’action, procédant à l’arrestation de 16 femmes qui ont dû payer des amendes. Elles et leurs tuteurs ont également dû signer un engagement à respecter les règles en vigueur dans le royaume.
Cette insurrection a manifestement porté ses fruits puisque le chef de la puissante police religieuse, Abdel Latif Al Cheikh et le ministre de la Justice, Mohammad Al-Issa, ont reconnu qu’aucun texte religieux ne précisait que la femme n’avait pas le droit de conduire. C’est un point important soulevé par les militantes, qui s’efforcent de faire admettre qu’à aucun moment la charia n’évoque une telle interdiction.
Le droit de conduire n’est pas une fin en soi, mais le tremplin vers l’obtention de droits pour les femmes plus importants. Les militantes aspirent à être « considérées comme majeures », dixit Manal Al Charif, emprisonnée pendant neuf jours en 2011 pour avoir posté une vidéo d’elle-même en train de conduire. Les femmes saoudiennes sont encore soumises au bon vouloir de leurs tuteurs (père, frère, mari) pour voyager, travailler ou se marier.
La nomination en janvier, par le roi Abdallah, prudent réformateur, de trente femmes au Conseil consultatif et les récentes déclarations du ministre de l’Intérieur suscitent donc quelques espoirs en Arabie saoudite. Quelques changements pourraient survenir. Il y a d’autres pays où les espoirs en la matière ont été rapidement douchés et où les droits des femmes sont toujours entre parenthèses.
C’est le cas de l’Iran, récemment projeté sur le devant de la scène médiatique en raison des négociations relatives au dossier du nucléaire, et ce alors que les femmes préoccupent toujours aussi peu la communauté internationale. L’arrivée d’Hassan Rohani au pouvoir n’a rien changé, en dépit des belles formules de sa campagne. « Dans un gouvernement d’Espoir et de Prudence, hommes et femmes, garçons et filles devraient se sentir libres » avait-il déclaré.
Il n’a pourtant pas touché aux lois discriminatoires tout aussi choquantes. Leur démantèlement est un point fort des revendications des féministes iraniennes. Ces lois stipulent par exemple que les femmes sont deux moins dédommagées que les hommes lorsqu’elles sont paralysées à la suite d’un accident ou encore que leur témoignage n’a aucune valeur quand elles sont l’unique témoin d’un accident, ce qui n’est pas le cas pour les hommes.
Elles souhaitent aussi que soit reconsidérée l’obligation de non-mixité dans les universités instaurée par Ahmadinejad, aspirent à un meilleur accès des femmes au marché du travail, veulent l’assouplissement des restrictions du code vestimentaire imposé aux femmes, la création d’un ministère dédié, ou encore la nomination d’une femme à l’un des postes du cabinet du président.
Cette manie de reléguer les droits fondamentaux au second plan ne nuit manifestement pas qu’aux femmes dans ce pays. Le président fait peu de cas des droits humains en général. Le fait que, depuis son entrée en fonction, une pendaison ait lieu toutes les 7 heures en moyenne, dont certains sans aucune forme de procès, ne fait que le confirmer.
Gageons que l’espoir suscité par le questionnement de l’interdiction de conduire pour les femmes en Arabie saoudite n’aboutisse pas à la même déconvenue qu’en Iran. Néanmoins, il en faudrait plus pour décourager des militantes déterminées, prêtes à lutter encore longtemps pour faire progresser leurs droits dans ces pays.