Gilles Babinet : Oui c’est un vrai sujet de préoccupation. Les pays ont différentes sensibilités quant à cette question. Les plus en pointe sur ce débat sont la France et l’Allemagne, tandis que l’Angleterre se montre plus permissive. Il y a aujourd’hui une prise de conscience globale sur l’impact de la data, qui peut en effet devenir notre meilleure ennemie, mais je pense que la solution est de se familiariser avec l’utilisation des data le plus possible. Il y a une méconnaissance énorme de ce sujet un peu technique. Il faut informer et éduquer le grand public, mais aussi le législateur. À chaque époque son droit : un code de la donnée doit être mis en place.
G. B. : L’affaire Prism révèle évidemment qu’il existe un danger de dictature numérique, d’abus au niveau des états ou des entreprises, et on peut s’en inquiéter. Je pense que tout est une question d’équilibre : il existe un contrat tacite entre Google et nous. Si Google vous spame c’est parce que vous utilisez l’un de ses services (gratuits), il y a un échange et cet échange doit être équitable. Lorsque ce contrat est rompu, il est normal que les citoyens se révoltent. Je trouve cependant dommage qu’on cherche à tuer le débat pour effrayer la population : la data ouvre la voie à la construction d’une nouvelle société et je pense que le débat mérite d’être posé. Jusqu’à présent cela n’a pas été fait.
G. B. : Dans le secteur de la santé par exemple, je pense à l’utilisation des données personnelles pour les études épidémiologiques. Actuellement cela est tout à fait interdit, mais j’estime qu’on est en droit de demander leur avis aux citoyens sur ce sujet. Ce genre d’étude permettrait de prévenir certaines maladies en amont. Dans les écoles, il serait possible de détecter les enfants qui décrochent, qui ont besoin d’aide. Tout cela mérite un débat. On n’entre pas forcément dans le monde de Big Brother, mais dans des résolutions de véritables problèmes de société.
>> e-Education : l'école est-elle has been ?<<
G. B. : En effet on attend le moment où les mutuelles privées pourront scanner notre consommation de médicaments et notre profil Facebook pour nous proposer des offres commerciales ciblées… Tout cela devrait être réglementé, mais nos institutions sont complètement dépassées et ne comprennent rien à ces sujets. Les citoyens ressentent ce vide, ce flou dans la loi, dans l’information et l’absence de débat. Voilà ce qui crée la peur.
*D'après une étude online pour l'Observatoire Orange-Terrafemina. Étude qualitative réalisée par le Web Lab de Treize articles auprès d'une vingtaine de femmes très connectées issues de la communauté Terrafemina, âgées de 18 à 60 ans du 16 au 18 janvier 2014. Étude quantitative réalisée par Polling Vox auprès d'un échantillon de 1017 personnes représentatif de la population internaute française, les 22 et 23 janvier 2014.