Si le Festival de Cannes est célèbre pour ses strass, ses paillettes et son défilé de célébrités, l'événement a aussi été le lieu de prises de paroles politiques emblématiques. L'année dernière, lors de la première édition après l'affaire Harvey Weinstein, 82 femmes avaient monté les marches pour protester contre le manque de représentation féminine dans l'industrie du cinéma et réclamer l'égalité salariale.
Cette année, ce samedi 18 mai, c'est le sujet de la légalisation de l'avortement en Argentine qui a été abordé au pied du Palais des festivals.
L'équipe du film documentaire Que sea ley ! ("Que ce soit légal", en français), réalisé par Juan Solanas, et des militantes argentines ont ainsi brandi des foulards verts, emblèmes de la lutte pour la légalisation de l'IVG dans ce pays d'Amérique du Sud où près de 450 000 avortements clandestins sont pratiqués par an.
Le long-métrage traite de la vague de mobilisation pour réclamer la légalisation de l'IVG qui s'est soulevée dans les rues de Buenos Aires notamment, en 2018, et entrecoupe des scènes de manifestations avec des témoignages de jeunes femmes ayant avorté, des entretiens avec des politiciens, des médecins ou encore des prêtres, et des débats animés au Congrès.
Alors que les députés argentins avaient voté une loi autorisant l'IVG pour toutes les femmes (et plus seulement en cas de viol et de danger pour la santé de la mère), le Sénat l'avait brutalement rejetée dans la nuit du 9 août 2018, à 7 voix près de devenir le troisième pays du continent à adopter une loi légalisant l'avortement jusqu'à 14 semaines (après Cuba et l'Uruguay).
C'est donc pour continuer la lutte que l'équipe du film et les militantes se sont rendues à la projection officielle de Cannes dotées de carrés de tissu verts et de banderoles réclamant un avortement "sûr et gratuit" - l'une des militantes était même vêtue d'une robe au bas de laquelle on pouvait lire les mots "Avortement légal, sûr et gratuit".
Un combat soutenu par de grands noms du cinéma dont Pedro Almodovar et Pénélope Cruz, qui devraient être rejoints par Charlotte Gainsbourg, Julie Gayet, Rossi De Palma ou encore Zabou Breitman, d'après FranceInfo.
A l'heure où ce droit fondamental est menacé voire carrément interdit dans de nombreux Etats américains, et reste encore illégal dans beaucoup de pays, la lutte pour que les femmes puissent disposer librement de leur corps est plus que jamais nécessaire.
Il s'agit également d'une mesure de santé urgente, comme le démontre le film, puisque nombreuses sont celles qui meurent suite aux avortements illégaux pratiqués dans des conditions inhumaines faute d'encadrement médical.
Le réalisateur Juan Solanas aimerait que son film aide à "remettre l'avortement au coeur des débats, parce que tout le monde regarde ailleurs en ce moment, et pendant ce temps, des femmes continuent de mourir", raconte-t-il au Monde.
Mais le réalisateur félicite tout de même l'avancée "monumentale" que son pays vient de connaître. "Cette vague est imparable", affirme-t-il. "C'est juste une question de temps pour que l'avortement soit légal en Argentine. Que sea ley !"