Les crimes sexuels commis par une éminente personnalité du monde de la culture sont-ils moins condamnables que ceux perpétrés par d'autres hommes, moins connus et moins reconnus ? À en croire les propos de Catherine Deneuve, il faut croire que oui.
Invitée jeudi 16 mars dans "Quotidien" sur TMC, la comédienne est une nouvelle fois revenue sur l'affaire Roman Polanski. Choisi début février par l'Académie des César pour présider la grand-messe du cinéma français, le réalisateur de Répulsion et Rosemary's Baby avait fini par renoncer à ce titre honorifique après le lancement d'une pétition demandant sa destitution et qui avait recueillie des milliers de signatures. Les associations féministes dénonçaient notamment l'indulgence accordée aux personnalités accusées de crimes sexuels. Parce qu'ils sont considérés comme des génies du monde du cinéma, Roman Polanski, mais aussi Woody Allen et plus récemment Nate Parker ou Casey Affleck bénéficient de la part de l'opinion publique d'une clémence totalement inappropriée et souvent choquante. Comme si leur talent et leurs oeuvres dédouanaient leurs actes et les dérives de leur comportement envers les femmes.
Pour rappel, Roman Polanski est poursuivi depuis 1977 aux États-Unis pour viol sous l'emprise d'alcool et de drogue sur une mineure de 13 ans. Condamné par la justice californienne après avoir plaidé coupable, il a fui l'année suivante vers la France pour échapper à sa peine. Il est resté en tout et pour tout 47 jours derrière les barreaux.
Pour Catherine Deneuve cependant, il est temps d'en finir avec cette histoire et de laisser Roman Polanski tranquille. Elle s'était déjà exprimée cette semaine dans les pages de L'Obs pour expliquer à quel point elle trouvait "honteuse" l'attitude des féministes qui se sont "déchaînées" contre le réalisateur.
Elle a réitéré ses propos hier soir dans "Quotidien". Lorsque Yann Barthès lui a demandé de donner son point de vue sur le renoncement de Roman Polanski à présider la cérémonie des César, Catherine Deneuve explique avoir trouvé "extrêmement choquant que quarante ans après [les faits, ndlr], les femmes puissent encore prendre la parole pour faire sortir cet homme de sa réserve".
"C'est une affaire qui a été jugée, c'est une affaire qui a été traitée, a-t-elle poursuivi. Il y a eu des accords entre Roman Polanski et cette femme, qui a demandé à ce qu'on arrête d'en parler. Je trouve incroyable que ce soient les femmes qui viennent redonner un coup de marteau sur la porte pour le faire sortir."
Et quand Yann Barthès lui demande si elle comprend que ses propos puissent choquer les féministes, Catherine Deneuve rétorque : "Franchement non, je ne comprends pas. J'aime beaucoup les femmes mais je ne suis pas d'accord avec toutes les féministes quand même. C'est vraiment abusif."
Catherine Deneuve n'a sans doute jamais entendu parler de la culture du viol. C'est pourtant ce que ses propos perpétuent car ils tolèrent, voire excusent Roman Polanski qui n'a pourtant jamais purgé sa peine pour le viol de Samantha Geimer.
Catherine Deneuve aurait pu s'arrêter là. Elle n'aurait pas été la seule à prendre la défense de Polanski. Claude Lellouche, François Berléand, George Clooney et Aurélie Filipetti ont aussi déclaré publiquement qu'il fallait passer l'éponge sur les faits qui lui sont incriminés car "ils remontent à plus de 40 ans". Comme si les années pouvaient minimiser son comportement.
Mais Catherine Deneuve a franchi un pas supplémentaire : celui du victime blaming. "Il y a une image donnée à cette histoire qui est incroyable, a-t-elle poursuivi devant un Yann Barthès de plus en plus mal à l'aise. C'est une jeune fille qui est tout de même amenée chez Roman Polanski par sa mère, qui ne faisait pas son âge de toute façon. De toute façon on peut imaginer qu'une jeune femme de 13 ans puisse faire 15 ou 16 ans. Il n'a pas demandé sa carte de visite, il a toujours aimé les jeunes femmes. J'ai toujours trouvé que le mot de 'viol' avait été excessif."
Pour Catherine Deneuve donc, qualifier un rapport anal non-consenti sur une mineure de 13 ans droguée et alcoolisée, c'est "excessif". Et pourquoi donc ? Parce qu'elle "avait été amenée par sa mère", parce qu'elle faisait plus que son âge.
"Elle l'avait bien cherché", semble dire ici Catherine Deneuve. C'est ça le victime blaming : reprocher à une victime les violences sexuelles qu'elle a subies. Rejeter la honte et l'infamie sur elle tandis qu'on excuse son violeur, qu'on le plaint même, lui dont la carrière est à jamais entachée par "cette affaire qui a eu lieu il y a plus de 40 ans" à cause du "déchaînement" des féministes.
Sur Twitter, les internautes ont été nombreux à exprimer leur indignation et leur déception de voir Catherine Deneuve tenir de tels propos.
Lorsque Yann Barthès demande à Catherine Deneuve si elle se rend compte que les propos qu'elle tient sont "inaudibles pour plein de gens" aujourd'hui, elle répond : "Tant pis. Tant pis pour moi, tant pis pour eux."
Tant pis pour les femmes, surtout.