La queue de cheval, un coupe de cheveux féministe ? Bien des paroles jureraient le contraire. Et pour cause. Spontanément, la queue de cheval implique d'attacher - les cheveux, et donc une partie du corps. Quand il s'agit d'aborder la tenue des femmes, on est ainsi loin d'une forme d'émancipation bienvenue. D'autant plus que des poupées, comme les Barbie, abordent cette coupe jugée juvénile, respectueuse, conventionnelle.
Conventionnelle, et traditionnelle. Comme le rapporte cette chronologie minutieuse du magazine de mode i-D, la queue de cheval est née dans la Grèce antique, et bien des fresques représentant des silhouettes féminines de ces temps anciens peuvent en témoigner. Il faudrait cependant attendre le vingtième siècle pour que cette mode capillaire revienne en force du côté de la gent féminine, outre-Atlantique notamment, avec l'apparition de célèbres jouets comme la Barbie de Mattel et le succès de stars stylées comme Audrey Hepburn, qui aimaient l'arborer.
Car si aujourd'hui, la queue de cheval nous évoque mille et unes figures people, force est de constater qu'elle fut longtemps réservée aux hommes. Comme le détaille la chaîne britannique BBC, ce fut notamment le cas dans l'Europe du 18ème siècle. Les soldats français, ainsi que leurs voisins britanniques, en avaient fait un signe distinctif. De là à considérer ce look capillaire comme plus transgressif qu'il n'y paraît, il n'y a qu'un pas.
C'est d'ailleurs ce que suggèrent bien des adeptes de la queue de cheval. On pense notamment à la chanteuse Madonna, revisitant cette coupe durant sa tournée Blond Ambition, en 1990. La madonna-mania, sous le regard du couturier Jean-Paul Gaultier, ne cache dès lors rien de son potentiel provoc et subversif. Aujourd'hui, aucune star ne semble avoir échappé à cette coupe de cheveux. Kate Moss, Ariana Grande et Beyoncé ont toutes un jour ou l'autre, à l'occasion d'un tapis rouge, d'une performance ou d'un défilé, revendiqué cette coiffe gentiment désuète que le magazine i-D juge au contraire "ludique, intense, sexuelle".
N'en jetez plus ! Pour la BBC, la queue de cheval doit justement son attrait discrètement mais sûrement "empouvoirant" aux performances électrisantes de l'interprète de Like a Virgin au début des années quatre-vingt dix. Quand la vedette se la réapproprie sur scène, cette coupe est encore associée à un cliché, celui de la petite fille modèle. Celles qui ont pu l'arborer dans les années cinquante et soixante, comme la comédienne américaine Sandra Dee, ne se démarquaient pas vraiment par leur irrévérence punk.
Tout juste faudra-t-il compter, durant les glorieuses sixties, sur les tifs d'une personnalité un brin plus sulfureuse : la jeune Brigitte Bardot. En 1956 déjà, à l'époque de Et Dieu... créa la femme, "BB" défrayait la chronique et dévoilait une légendaire queue de cheval sous les flashes. Mais c'est avec Madonna, souffle la BBC, que la queue de cheval devient "un synonyme d'autonomisation des femmes". Quitte à inspirer bien des fans. Il faut dire que cette coiffure séduit par un équilibre certain entre la candeur (apparente) et une irrévérence qui gronde.
"Tant de looks de Madonna ont été emblématiques, mais son style lors de cette tournée était particulièrement frappant car il puait le pouvoir ! Cette queue de cheval est à ce titre pleine de contradictions. Il a un côté 'princesse rétro' des années 50/60, mais également quelque chose qui évoque la domination et la force. Tout cela a du sens pour Madonna, qui s'est toujours amusé à jouer avec les perceptions des gens concernant le genre, le pouvoir et la sexualité", abonde en ce sens la journaliste et autrice Laura Barcella (Fight Like a Girl: 50 Feminists Who Changed the World) du côté de i-D.
Oui certes, bien d'autres personnalités n'ont jamais caché face aux objectifs des photographes leur amour de cette coiffure paradoxale, et pas les moins médiatisées s'il vous plaît, de Gwen Stefani à Kendall Jenner en passant par Bella Hadid et J-Lo. Mais Madonna en a peut être dévoilé la plus insoupçonnée richesse. Cette même richesse, relate une autre investigation du magazine Vice, que l'on retrouve dans le mouvement musical et culturel des Riot Grrrl, dont les chanteuses punk... portaient notamment la queue de cheval.
Instigatrices du "girl power", avant que cet intitulé ne devienne ultra-mercantile (coucou les Spice Girls), les musiciennes et chanteuses déchaînées des Riot, comme Kathleen Hanna, aimaient se jouer de look féminins jugés "infantiles" pour mieux désarçonner l'audience masculine. Par cela, elles fustigeaient notamment la sexualisation des jeunes filles au sein de la société patriarcale. Chez elles, même les cheveux se font politiques.
Un autre usage des tifs s'il en est, lui aussi venu des années 90, et qui ne demande qu'à être décliné et enrichi dans les années à venir.