Le nombre de films documentaires réalisés par des femmes au cours de l'année écoulée a pour la première fois dépassé celui réalisé par des hommes ! La nouvelle est historique, et c'est le média américain IndieWire qui nous la relate. Pour ce faire, le site a pris en compte les films projetés dans les festivals de cinéma.
De plus en plus de femmes travaillent sur des films documentaires produits de manière indépendante, se réjouit le média, une étude très sérieuse à l'appui - le rapport « Indie Women » de la professeure Martha Lauzen de l’Université d’État de San Diego, qui a considéré pas moins de 650 films diffusés dans 20 grands festivals de cinéma américains, dont Sundance, le plus prestigieux et ancien de tous, pour établir cette conclusion. Selon l'érudite toujours, ces chiffres associés aux femmes cinéastes ont atteint "des sommets historiques" dans l’industrie du cinéma indépendant l'an dernier.
C'est une excellente nouvelle, qui bouscule les lignes. Voici pourquoi...
Plus de femmes documentaristes que jamais ? C'est une révolution !
Car le taux de femmes à des postes de pouvoir dans le monde hollywoodien est encore beaucoup trop faible aujourd'hui. Kristen Stewart le déplorait récemment : "Quand Hollywood félicite les femmes cinéastes, c'est hypocrite... "C'est facile pour eux de dire : 'Regardez ce que nous faisons à Hollywood : le film de Maggie Gyllenhaal ! Le film de Margot Robbie !'... Et vous vous dites : OK, cool, vous en avez choisi quatre !". Si nous nous félicitons mutuellement pour avoir élargi notre horizon, alors que nous n'en avons pas vraiment fait assez, alors nous arrêtons de l'élargir"
En outre, car on rappelle que malgré le succès colossal de Barbie, l’année 2023 dénombrait dans le top 100 des plus gros succès au box office seuls 30% de films mettant en scène des personnages féminins principaux, sur 75 358 rôles étudiés - c'est un autre rapport, celui de l’initiative Annenberg Inclusion, qui le dit. Geena Davis dénonce ces inégalités de genre depuis 20 ans en dirigeant le Geena Davis Institute Of Gender in Media, un organisme de recherche dédié aux enjeux de représentation des femmes dans le secteur du divertissement, qui collecte d'importante données sur l'égalité à l'écran.
C'est dire si les évolutions qui bousculent le monde du documentaire US indé comptent beaucoup. "Le documentaire est le seul domaine du cinéma dans lequel les femmes prospèrent", observe à ce titre et non sans amertume IndieWire. "Le nombre de femmes travaillant dans le domaine de la fiction a quant à lui chuté de deux points de pourcentage en un an. Dans les films dirigés exclusivement par des hommes, les femmes représentaient 10 pour cent des scénaristes, 21 pour cent des monteurs et 7 pour cent des directeurs de la photographie".
Déplorable, donc. Signe que le monde du documentaire est à guetter de près - et celui du cinéma au sens large, à alerter. En 2019, chez nous, le CNC et l’Institut des sciences humaines et sociales du CNRS proposaient d'ailleurs à ce titre une rétrospective exceptionnelle déployant dans le cadre du Festival Jean Rouch (grand nom du docu) une sélection de films réalisés par des femmes documentaristes et anthropologues françaises, et parmi elles Germaine Tillion, Sarah Maldoror, Raymonde Carasco, Germaine Dieterlen, Marceline Loridan Ivens...