Formulée depuis 2003 par le nouveau prix Nobel d'économie Jean Tirole, mais aussi par les économistes Francis Kramarz et Pierre Cahuc, l'idée d'instaurer un contrat de travail unique à la place des CDD, des contrats saisonniers et intermittents a visiblement fait du chemin au sein du gouvernement. Dans un entretien accordé à L'Obs, Manuel Valls a souligné les avantages qu'offrirait le contrat de travail unique : en finir avec la précarité induite par les contrats courts et l'intérim, et alléger les coûts liés au licenciement pour fluidifier le marché du travail.
Au troisième trimestre 2013, les CDD de moins d'un mois représentaient sept embauches sur dix. Pour ses partisans, le contrat de travail unique permettrait de mettre un terme à ces contrats courts et extrêmement précaires : CDD, contrats saisonniers et intermittents. « Adopter un contrat unique signifie que tous les salariés seraient en CDI », explique l'avocat spécialisé en droit du travail Sylvain Niel à Capital.fr qui souligne la contrepartie induite par ce nouveau contrat : l'assouplissement des licenciements individuels.
S'il était adopté, le contrat de travail unique et ses nouvelles modalités de licenciement s'appliquerait immédiatement à l'ensemble des salariés en CDI. Quant aux CDD, ils seraient progressivement remplacés par le contrat unique « au fil des renouvellements de contrats ».
Censés être moins précaire que le contrat à durée déterminée, le contrat de travail unique pourrait aussi permettre à l'employeur de se séparer plus facilement d'un salarié grâce à une procédure simplifiée. L'objectif affiché ? Inciter les entreprises à embaucher. Mais cette extrême flexibilité pourrait aussi poser problème. « Pour se séparer d'un employé, les entreprises n'auraient plus besoin de trouver une solution de reclassement, ni de motif économique, ni de cause réelle et sérieuse », explique l'avocat David Jonin à Capital.fr.
En guise de compensation, les salariés licenciés pourraient quant à eux recevoir des indemnités plus élevées : 10% des salaires versés depuis le début du contrat. Actuellement, l'indemnité légale de licenciement est fixée à 1/5e de mois par année de présence.
Faut-il alors s'attendre à voir le contrat de travail unique remplacer progressivement les CDI et CDD ? Rien n'est moins sûr. Annoncé comme la solution miracle pour inciter les employeurs à embaucher, le contrat unique est loin de faire l'unanimité, notamment auprès des syndicats, qui craignent une précarisation encore plus grande des salariés. « On avait écarté le contrat unique parce que c'était introduire une autre forme de rupture [du contrat de travail], une flexibilité dont les salariés souffriraient, dont l'économie du coup souffrirait et dont les entreprises ne tireraient pas grand-chose », a ainsi déclaré le président de la CFTC Philippe Louis.
Le contrat unique ne convainc pas non plus les économistes. À commencer par Gérard Cornilleau, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) qui, s'il admet trouver l'idée « intéressante », fait aussi valoir que les entreprises auront « quand même besoin de CDD pour les remplacements, les congés de paternité ou de maternité. »
D'autant que le contrat de travail unique ne sera légalement pas simple à appliquer. « Une telle réforme suppose par ailleurs de revoir intégralement les quelques cent pages sur le licenciement que compte le code du Travail. Quand on modifie un bout du mille-feuille, il faut penser aux conséquences : désignation des représentants du personnel, indemnités de chômage, etc. », rappelle Valérie Blandeau, avocate du cabinet Wragge Lawrence Graham & Co.