"Il ne faut jamais forcer une victime à parler, mais ça permet aux gens de lever un voile". Elle est à la fois forte et subtile, la parole de Corinne Masiero. L'actrice de l'iconique Capitaine Marleau s'est exprimée au micro de Sonia Devillers, sur France Inter, dans l'émission Magma. Pour la première fois, elle s'est confiée sur l'inceste dont elle a été victime.
Inceste sur lequel elle revient dans un documentaire diffusé lundi 26 septembre à 23h10 sur France 3, Inceste, le dire et l'entendre, réalisé par Andrea Rawlins. Corinne Masiero a été agressée à l'âge de 8 ans par l'un de ses cousins, alors âgé de 18 ans. En témoignant, elle désire briser l'omerta qui règne bien trop souvent.
"Quand on subit ça, qu'est-ce qu'on représente après ? On n'est rien. On est un objet, un bout de viande (...) Et on le garde toute sa vie, on fait avec, on n'en guérit pas. Comme si on te coupait une jambe et qu'après on apprenait à marcher mais avec une jambe en moins", explique-t-elle.
"C'était sous couvert d'amour que l'on t'agresse. Je t'aime bien, je t'aime, donc regarde on va se caresser. Ce mot 'amour', je le déteste. Ça ne veut plus rien dire amour".
Comme l'a récemment rappelé le récent reportage du magazine de France 2 Envoyé Spécial, Inceste : ne plus se taire, un Français sur dix aurait été victime d'inceste. D'où l'importance de lever le tabou. C'est ce sur quoi insiste Corinne Masiero : "Le seul moment où il y a égalité entre les classes sociales, c'est au moment de l'inceste : ça touche tout le monde, à égalité, partout".
"On parle de ces chiffres qui touchent les familles incestuées. Je le constate, quand je fais des concerts avec Les Vaginites [son groupe de musique- ndlr]. On demande dans le public qui a été touché directement ou indirectement ici. On observe une forêt de bras se lever. Ça touche tout le monde directement ou indirectement", constate Corinne Masiero.
Et pourtant, il est toujours aussi difficile de renverser l'impunité dans ces situations. "C'est à la victime de se démerder à parler, c'est à la victime de se démerder à faire des démarches... C'est comme les femmes battues qu'on oblige à se barrer : c'est pas à elles de se barrer, c'est à l'agresseur de se barrer", fustige l'artiste.
Afin de ne pas baisser la garde, il convient donc "de prendre la parole, parce que la parole c'est l'étincelle qui permet de faire bouger les choses après", souligne Corinne Masiero, réputée pour ses prises de position féministes - on se rappelle évidemment de son happening engagé aux César.
Des mots qui retentissent à l'unisson de mouvements majeurs comme #MeTooInceste, vague de témoignages de victimes affluant sur Twitter, et de témoignages livresques tout aussi importants - comme La Familia grande de Camille Kouchner.
En cette rentrée littéraire, soulignons également la parution de l'ouvrage collectif La culture de l'inceste (sorti le 9 septembre), dirigé par Juliet Drouar, Iris Brey et Ovidie, démontrant là encore qu'il a beaucoup à dire sur ce fléau.