"Il ne faudrait pas attendre une pandémie mondiale pour comprendre que les femmes ont une physiologie différente de celle des hommes". Ils semblent plus forts que jamais, ces mots de la médecin Helen Fidler, vice-présidente du comité des consultants britanniques de la British Medical Association. Récemment, la spécialiste s'exprimait sur un gros fiasco observé au sein des hôpitaux : le fait que les équipements des professionnels de la santé soient uniquement conçus selon un modèle masculin. Ce qui est réellement problématique.
La norme masculine l'emporte donc quand il s'agit des masques et des blouses - bien trop larges pour beaucoup de représentantes du personnel soignant. Un énorme souci quand l'on sait à quel point les femmes se retrouvent en première ligne au temps du coronavirus. Helen Fidler tire la sonnette d'alarme : "On considère cette norme comme quelque chose que l'on est obligées de supporter, mais ce n'est vraiment pas acceptable. Le gouvernement a vraiment une responsabilité morale, légale et éthique : celle de régler ce problème rapidement".
Et bien sûr, le problème n'est pas encore réglé. Et ne se limite pas aux hôpitaux, loin de là. C'est ce que démontre une essentielle enquête du magazine en ligne Numerama : les masques de protection diffusés au sein du secteur professionnel (mais aussi au grand public !) ne sont adaptés à toutes les physionomies.
Ou quand le sexisme se normalise.
"Depuis le début de la crise je suis obligée de faire des noeuds sur les élastiques des masques chirurgicaux de la dotation d'État car c'est le seul moyen pour qu'ils soient adaptés [et ces masques provoquent] des irritations à l'arrière des oreilles à l'endroit du noeud". Ce que raconte la soignante anonyme Oriane au média est accablant. Et hélas, elle n'est pas la seule des voix recueillies au sein de cette investigation, loin de là.
Les témoignages se suivent et se ressemblent tristement. Masques mal ajustés dans les hôpitaux et les pharmacies, équipements trop larges et élastiques des masques trop longs (lesquels baillent sur les côtés et le dessous du visage si on cherche à raccourcir l'élastique), échecs systématiques du personnel soignant féminin aux tests d'ajustement (un processus qui permet de savoir si votre masque est de la bonne taille)... Force est de constater que les standards industriels - basés sur un modèle masculin - inhérents aux masques mis sur le marché ne correspondent vraiment pas à toutes les morphologies. Malgré le fait que l'on dise ce standard "unisexe" !
"Je suis inondée de messages de femmes qui travaillent en première ligne et qui me montrent la PREUVE que leur équipement n'est pas adapté à leur corps. Et pourtant, il y a encore des gens dans mes mentions qui insistent allègrement sur le fait que l'équipement est 'unisexe' et correct", déplore à ce titre Caroline Criado Perez, autrice de l'ouvrage Invisible Women. "Ce n'est pas qu'une question de confort. Les équipements mal ajustés entravent le travail des femmes et peuvent être eux-mêmes un danger pour leur sécurité", développe encore la spécialiste.
Comme le relève le journaliste Marcus Dupont-Besnard, ce dysfonctionnement est loin d'être anecdotique - et pas simplement parce que nous vivons une pandémie mondiale. Les incidences sont plurielles : qui dit masque mal ajusté dit santé et sécurité d'autrui mises en péril (un comble à l'heure où les mesures sanitaires sont devenues la norme !) mais aussi inégalités professionnelles. De par ces nuances de morphologie non prises en compte, celles et ceux qui oeuvrent dans les établissements hospitaliers ne sont vraiment pas sur la même échelle.
"Les femmes représentent près de huit personnes sur 10 au sein de la main-d'oeuvre hospitalière, et c'est une honte de ne pas avoir d'uniformes de protection pour ces travailleuses, elles méritent mieux", déplore à ce titre la Secrétaire générale du Congrès des syndicats britannique Frances O'Grady dans les pages du Guardian. Une salutaire piqûre de rappel. "Vous avez été nombreuses à partager votre expérience. J'ai reçu des témoignages et vous pouvez continuer à m'en envoyer. Les normes sexistes derrière ces équipements sont un problème depuis des décennies : ça ne doit plus être invisibilisé", détaille en retour le journaliste de Numerama sur Twitter.
A vos claviers, donc.