Loïc et Mathilde pensaient que le rendez-vous avec la psy pris en septembre dernier ne mènerait à rien. Avant d'y aller, le sujet était même devenu sensible. Aucun des deux n'avait envie de "se pointer sur un divan à raconter pourquoi ils en étaient arrivé·es là", se souvient la jeune kiné. Et surtout, pourquoi ils ne parvenaient pas à résoudre leurs problèmes de leur côté sans avoir besoin de les "étaler devant une inconnue". Mais voilà, la consultation chez une spécialiste recommandée par une amie de sa tante à elle faisait office de dernière chance. Alors, pas question de la laisser filer.
A 27 et 28 ans respectivement, le couple qui se connait depuis un peu plus de 3 ans n'incarne pas vraiment le profil type de ceux qui entament une thérapie en duo. Du moins, pas dans l'imaginaire collectif. "Dans la salle d'attente, on était les seul·es patient·es de moins de 40 ans", décrit aussi Loïc, employé dans un magasin de prêt-à-porter. "On avait l'impression de s'être planté d'endroit. On a failli repartir trois fois".
Et puis finalement, non. "On s'est dit qu'on était là, autant faire une première séance et décider de continuer ou non en connaissance de cause". Tant mieux, ça leur a "ouvert les yeux" en bien, estime-t-il. A eux comme à d'autres, vraisemblablement.
Ces dernières années, le recours aux thérapeutes expert·es en vie sentimentale chez les générations de moins de 30 ans a largement gonflé. Les études le confirment : une enquête menée en 2017 par l'université MidAmerica Nazarene a chiffré à 51 % le nombre de millenials âgé·es de 23 à 38 ans ayant suivi une thérapie de couple, note le Guardian, les 25-30 ans constituant la majorité des participant·es. En 2018, l'organisation caritative Relate a révélé une augmentation de 30 % des client·es britanniques de moins de 40 ans en quatre ans, toujours chez les psy conjugaux.
Au-delà de constater une tendance à la hausse évidente, on se demande : pourquoi sommes-nous plus enclin·es à se faire aider aujourd'hui, et aussi : est-ce que ça marche vraiment ? Puisqu'il est impossible d'obtenir une réponse universelle à cette dernière question, on a laissé cinq concerné·es raconter ce qu'ils et elles en ont retiré. Témoignages.
Simone Bose, thérapeute pour Relate, associe le phénomène à la normalisation des conversations autour de la santé mentale. "En général, les jeunes générations ont moins honte de consulter un psy et aiment s'améliorer et partager leurs sentiments", observe-t-elle auprès du média britannique. "Souvent, l'un d'entre eux a déjà suivi une thérapie individuelle et suggère de suivre une thérapie de couple ensemble".
C'est ce qui s'est passé pour Edouard et Sarah, deux ingénieur·es de 30 et 29 ans. Elle, avait déjà consulté un psy plus jeune et a suggéré l'idée à son mari lorsqu'elle voyait que leur "problématique tournait en rond", nous confie-t-elle par téléphone. "On croyait réussir à identifier ce qui n'allait pas à force d'en parler pendant des heures, on se promettait de faire des efforts, et pourtant on se retrouvait deux semaines plus tard à se balancer exactement les mêmes reproches".
Sarah continue : "Aller voir quelqu'un nous a apporté un recul, un point de vue neutre. Et ce recul nous a permis de sortir de notre engrenage." A coup de questions qui dérangent et de réflexions qui invitent à la remise en question pas toujours agréable, les deux ont pu prendre la mesure de leur comportement individuel, son impact sur l'autre, et réparer ce qui bloquait.
"En plus d'en apprendre davantage sur votre relation, vous serez mis à l'épreuve d'une manière qui ne vous est pas souvent présentée, vous serez confronté à vos pires traits de caractère et à la façon dont ils influencent les gens dans votre vie, et vous devrez accepter la difficile vérité que certaines choses sont, en fait, de votre faute", analyse Pema Bakshi dans un papier personnel pour Refinery29, intitulé Ce que la thérapie de couple dans ma vingtaine m'a appris de l'amour.
Deux ans après leur dernière séance, "on est plus soudé·es que jamais", affirme Sarah, ravie d'avoir entamé cette déconstruction avant le premier confinement, et un tête-à-tête qui se serait avéré "particulièrement oppressant" si leur couple n'avait pas déjà tout mis à plat. A ce sujet, les travaux cités par le Guardian considèrent la pandémie comme accélérateur de thérapie conjugale.
Un bilan encourageant qu'on retrouve aussi chez Loïc et Mathilde, même si les deux ne veulent pas tirer de conclusions hâtives et est encore "en plein travail", explique en souriant la jeune femme.
Dans certains cas toutefois, et ce bien que l'on s'acharne à "accepter la difficile vérité" que décrit Pema Bakshi, tout ne finit pas par aller mieux à deux dans le meilleur des mondes. Anne-Marie, 33 ans et responsable achat pour une grande marque de cosmétiques, a conclu un an de sessions et cinq de relation par une rupture.
"Je pense qu'on aurait dû aller consulter plus tôt", regrette-t-elle. "Parfois, aussi compétent soit le psy et pleins de bonne volonté soient les patient·es, il y a des couples qui sont brisés, qui ont évolué séparément, ou qui sont tout simplement incompatibles. L'avantage dans notre situation, c'est qu'on aura pu se dire adieu sans se blesser."
Une fin dont elle n'était pas l'instigatrice mais qui l'a fait grandir, admet Anne-Marie, et aidée à travailler sur son "besoin vital de reconnaissance". Aujourd'hui célibataire, elle appréhende "le grand bal du dating autrement", nous dit-elle. Sous-entendu en parvenant à moins laisser ses émotions être dictées par ses rencontres, et son moral par la validation d'autrui.
"Et rien que pour ça", s'enthousiasme-t-elle, "ça valait le coup".