Si on ne saisissait pas vraiment ce qu'impliquait la "tenue républicaine" que prônait Jean-Michel Blanquer comme parfaitement adaptée au sein des établissements scolaires, on sait désormais ce qu'elle n'implique pas pour un bon nombre de Français·e·s.
D'après un sondage mené par l'Institut français d'opinion publique (Ifop) pour Marianne auprès de 2027 personnes de plus de 18 ans, sur les tenues des jeunes filles, plusieurs types de vêtements seraient à proscrire dans l'enceinte du lycée. Les crop tops (hauts dévoilant le nombril) pour 55 % des interrogé·e·s, le fait de ne pas porter de soutien-gorge, ou de pratiquer le "no bra", pour 66 % d'entre elles et eux, ou encore le décolleté plongeant pour 62 % des sondé·e·s. Seul haut à tirer son épingle du jeu : le débardeur qui laisse apparentes les bretelles de soutien-gorge, rejeté à 22 % des voix.
Mais qui, au juste, se cache derrière ces chiffres ?
L'étude fait suite au mouvement #Lundi14Septembre, lancé par plusieurs jeunes filles dans nombreux lycées et collèges de France. Une initiative en opposition aux réflexions formulées par des membres de l'administration, qui jugeaient leurs tenues "provocantes", "indécentes", voire susceptibles de "déconcentrer les garçons". Des propos sexistes qui ont déclenché un débat national. A juste titre.
Seulement à en croire les résultats du rapport de l'Ifop, la majorité des personnes qui aimeraient interdire aux écolières de se vêtir comme bon leur semble sont des femmes. 61 % d'entre elles, exactement, contre 49 % des hommes.
Pareil pour le "no bra", auquel 73 % des sondées s'opposent contre 58 % des sondés, et le décolleté plongeant avec 68 % des femmes qui souhaitent l'interdire à l'école pour 56 % des hommes. "Aussi surprenante soit-elle, cette plus forte opposition des femmes à cette forme de liberté vestimentaire est pourtant un phénomène ancien que l'Ifop observait déjà en 1967 sur la question de la mini-jupe", rappelle l'organisme. "Les hommes étant alors deux fois plus nombreux (20%) que les femmes (12%) à approuver les Françaises portant des mini-jupes pour sortir et ou aller chez des amis."
Comme le note le pôle "Genre, sexualités et santé sexuelle" de l'Ifop, ces résultats démontrent "des difficultés culturelles à 'dés-érotiser' une poitrine féminine qui paraît sans doute à beaucoup comme une partie du corps susceptible de surexposer les lycéennes à des formes d'agression sexuelle."
"Plus récemment, une étude de l'Ifop sur les diverses formes de dévoilement des corps dans les lieux publics montrait aussi un degré d'acceptation sociale de la nudité systématiquement plus faible dans la gent féminine : les femmes étant par exemple deux fois plus nombreuses que les hommes à être dérangées par le port du monokini à la plage (29%, contre 15% chez les hommes) ou celui du string à la piscine (58%, contre 31% chez les hommes)."
Des résultats qui traduisent un sexisme intériorisé, d'une part. Ou encore, et c'est le cas de l'éditorialiste Natacha Polony qui exprimait son opinion dans une tribune publiée sur RTL, une opposition à l'industrie de la mode "qui sexualise à outrance les jeunes filles", et dont elles deviendraient des victimes impuissantes.
Deux cas de figure qui oublient un détail important : la nécessaire liberté des jeunes filles à s'habiller comme elles le veulent, sans qu'on les sexualise, certes, mais sans qu'on les présume forcément manipulées non plus. Pour la simple raison qu'il s'agit de leur choix. Mais aussi que les seuls qui doivent subir les conséquences de ce sexisme sont ceux et celles qui l'appliquent, et non celles qui en sont la cible.