Souvent, c'est la chute qui fait la qualité d'une histoire. Et celles des dernières vidéos de Plan International tiennent leurs promesses : on tombe de haut.
Tout commence comme un banal tuto de beauté. Filmé façon vidéo de blog pour Youtube, on voit dans le premier spot une enfant qui doit avoir entre 8 et 10 ans expliquer comment elle se maquille. Elle sourit, parle de son blush et s'extasie sur son brillant à lèvres qui fait des "lèvres très très très brillantes" pendant que sa mère lui brosse les cheveux. Amusé, on sourit, bien qu'on soit un peu gêné par son âge : naïvement, on se dit qu'elle est quand même bien jeune pour se maquiller et se filmer comme ça. Et puis une femme rentre avec une robe blanche, qu'elle lui fait enfiler. Le sourire s'évanouit, la fillette ne dit plus rien. Et on comprend qu'on avait raison d'être choqué par son âge, mais qu'on avait mal estimé le danger : c'est pour son mariage que cette enfant se prépare. Le slogan final tombe comme un couperet : "Chaque année, 15 millions de filles de moins de 18 ans sont mariées de force".
Voilà le premier spot qui a été mis en place par l'antenne finlandaise de l'ONG Plan International mi-avril ; le deuxième reprend le concept du faux tuto beauté, mais dénonce cette fois les abus sexuels commis sur les enfants. On y voit un père livrer contre une poignée de billets sa petite fille à un vieil homme que l'on comprend être un pédophile, en la rassurant d'un "ça va aller" mensonger.
C'est court, mais incisif : on peine à se débarrasser du sentiment de malaise qui nous hante bien après avoir fini la vidéo. L'idée du tuto beauté est redoutablement efficace : plus les fillettes essayent d'agir en femmes, qui se maquillent "comme des grandes", se marient ou ont des relations sexuelles, et plus c'est leur jeunesse et leur innocence volée qui crèvent l'écran. Ces vidéos choc de Plan International ont été mises en ligne dans le cadre de la campagne"1000 First Days", qui tente d'alerter le public sur les menaces qui pèsent dès sa naissance sur une petite fille dans les pays en voie de développement. Comme Plan International l'explique sur son site dédié à cette campagne, les 1000 premiers jours d'une fille sont déterminants pour sa vie future : "Assurer une petite enfance protégée et saine à une petite fille l'aidera à éviter les pièges qui l'attendent comme les mariages précoces, les grossesses anticipées et le manque d'éducation. Leur futur dépend de ces 1 000 premiers jours". Parce qu'elles grandissent dans des pays en voie de développement, elles sont exposées à plusieurs dangers que l'ONG énumère sur sa page de présentation : pas d'accès à l'éducation, un environnement violent, une absence d'éveil par le jeu, une alimentation non-hygiénique et inadaptée, ainsi qu'un manque de soins médicaux qui peut engendrer des complications graves voire mortelles pour une simple diarrhée, par exemple.
Pour y pallier, l'organisation tente de récolter des donations pour pouvoir aider les fillettes sur chacun de ces critères durant leurs 1000 premiers jours. Elle met en place des sortes de parrainages sur deux ans : on peut suivre l'évolution d'une fillette et la manière dont sont gérés les dons pour combler ses besoins sur l'écran interactif d'accueil. Cette campagne devrait permettre aux petites filles soutenues de se développer plus harmonieusement, ce qui les aidera à échapper aux violences qui font partie prenante de la société dans laquelle elles évoluent et qui les menacent quotidiennement.
On continue en effet de sous-estimer l'ampleur du phénomène, comme le rappelle le Marketing Magazine. Pourtant, selon de nouveaux chiffres de l'UNICEF, parmi les 700 millions de femmes victimes de mariage forcé, plus d'une sur trois (250 millions) ont été mariées alors qu'elles n'avaient pas 15 ans. Echapper à la pauvreté, protéger son enfant d'une situation instable et miséreuse, céder à la pression de la communauté, honorer la famille ou la soulager d'une bouche à nourrir... Dans les pays en voie de développement, les enfants -et les filles plus précisément-, deviennent souvent une monnaie d'échange pour leurs familles du fait de la précarité des conditions de vie.
Ces violences à l'égard des petites filles sont très difficiles à endiguer, du fait de l'enracinement de ces "coutumes" dans la société et de la misère qui accablent les familles : dans les régions rurales et pauvres, les perspectives pour les petites filles sont inexistantes, et les mariages précoces apparaissent souvent comme la seule solution pour se débarrasser d'un enfant supplémentaire qui ne peut pas travailler, comme le rappelle le Dr Babatunde Osotimehin, directeur exécutif de l'UNFPA (Fonds des Nations Unies pour la population) dans le rapport de mars 2013 de l'OMS. Pourtant, "c'est une violation épouvantable des droits de l'homme qui prive les jeunes filles de leur éducation, de leur santé et de leur avenir", s'énerve-t-il. Sans parler des traumatismes physiques et psychologiques de ces enfants, les mariages forcés ou la banalisation d'abus sexuels sur les mineures sont malheureusement souvent synonymes de grossesses précoces et dangereuses, une mortalité en couche élevée, une augmentation du risque d'infection par le VIH et l'impossibilité d'avoir accès à une éducation correcte. Voilà donc le sinistre sort de ces mères-enfants que la campagne de Plan International tente de dénoncer : devant ces vidéos comme dans la réalité, on ne peut que s'indigner pour ces fillettes dont on pille l'enfance et pour ces nations qu'on dépouille de tout espoir d'évolution en en brisant les enfants.