"Nous pouvons gérer les choses physiquement et mentalement au même niveau que les hommes." Dans le monde encore très machiste de l'armée américaine, c'est ce qu'ont voulu prouver la capitaine Kristen Griest et la lieutenante Shaye Haver. A respectivement 26 et 25 ans, elles sont les premières femmes à avoir décroché le petit ruban noir et or, insigne des Rangers, cette unité d'élite de l'armée américaine.
Ouverte pour la première fois aux femmes, à titre expérimentale, la formation de la Rangers school est réputée comme l'une des plus dures et éprouvantes du monde. D'une durée de quatre mois, elle met les nerfs et les muscles à rude épreuve, avec pas moins de vingt heures d'entraînement par jour où il faut porter quarante et un kilos de matériels et d'armes. Si dix neuf femmes avaient postulé à la formation, elles ne sont que deux à être parvenues au bout.
Lors de la conférence de presse qui s'est tenue à Fort Benning, les deux femmes n'ont pas manqué de rappeler la dureté de la formation. "Il y a toujours un moment où vous êtes touchée", a confié Shaye Haver. "Le fait de voir que mes pairs masculins souffraient tout autant que moi m'a fait continuer."
En effet, femmes et hommes participaient aux mêmes exercices. Après l'annonce de l'ouverture de l'école aux femmes, beaucoup se sont inquiétés d'un "abaissement" des standards de la formation. Mais pas question que les femmes ne se confrontent pas aux mêmes épreuves que les hommes. Kristen Griest et Shaye Haver ont d'ailleurs montré qu'elles en étaient parfaitement capables.
Si le véritable combat avait lieu à l'entraînement, se battre contre le sexisme ambiant était une lutte de chaque instant. Face à des hommes souvent sceptiques, elles ont montré qu'elles pouvaient se hisser à leur hauteur, voire bien plus haut. Michael Janowski, qui participait à la formation, a avoué que c'est lors d'un entraînement dans les montagnes de Georgie que s'est envolée toute son appréhension. "J'avais du mal, j'ai demandé si quelqu'un pouvait prendre un peu de la charge que je portais. C'est Shaye qui m'a soulagée. Je n'ai plus été sceptique à partir de ce moment-là..."
Malgré leurs exploits et leur insigne, les deux femmes ne pourront pas intégrer le 75e régiment des Rangers, encore réservé exclusivement aux hommes. Elles espèrent bien que leur réussite permettra de faire avancer le débat sur l'ouverture totale des postes de combats aux femmes. "La décision d'ouvrir aux femmes les unités de combat appartient aux chefs militaires", a expliqué Kristen Griest. "Mais j'espère que nous avons été capables d'influencer cette décision en montrant ce qu'ils peuvent attendre des femmes militaires." En 2013, l'administration Obama avait décidé l'ouverture de tous les postes de l'armée aux femmes pour 2016. Le secrétaire de la Défense, Ashton Carter, devrait approuver en janvier, un projet de loi.