Splash, vous vous souvenez ? Mais si, mais si, ce conte de fées moderne plutôt (cu)culte narrant la rencontre improbable entre un monsieur tout le monde new-yorkais (le toujours sympathique Tom Hanks) et... une sirène, incarnée par Daryl Hannah. Une fable naïve et insolite comme les années 80 savaient nous en offrir. Mais aujourd'hui, le film de Ron Howard revient sur le devant de la scène, et pas pour les meilleures raisons : le service de streaming Disney+, qui l'a intégré à son catalogue, en a censuré une partie. Et pas n'importe laquelle.
Comme ont pu le remarquer bon nombre d'internautes, ce sont effectivement les fesses de ladite sirène qui se sont vues censurées l'espace d'une scène, et pas de la plus fine des manières : une épaisse traînée de cheveux ajoutés numériquement fait office de "cache". Une retouche qui va à l'encontre de la logique du film : puisque sirène, le personnage ne connaît pas la pudeur humaine, et se voit même arrêtée pour "exhibition sexuelle", d'où le gag.
Et qui a, bien évidemment, provoqué un véritable tollé sur la Toile.
"Disney+ aurait donc modifié une scène de "Splash" (1984) de Ron Howard pour ne pas qu'on voit... un cul", s'attriste en ce sens le journaliste Louis Lepron du site Konbini. Et comme l'indique la revue en ligne spécialisée Movie Censorship au gré de cet article comparatif, ce sont bel et bien plusieurs séquences de l'oeuvre originelle qui ont fait l'objet de coups de ciseaux barbares et d'ajouts voyants similaires. Car il faut croire qu'une sirène n'a pas le droit d'être en tenue d'Eve. "Imaginez un peu le trauma si des enfants voyaient des fesses ?", s'amuse à ce titre Marie Sauvion, rédactrice en cheffe ajointe du service Cinéma à Télérama.
"Disney + ne veut pas de fesses sur sa plateforme", poursuit sur le même ton la vidéaste américaine Allison Pregler, comparant cette méthode à un autre cas d'école : l'ajout de soutien-gorges numérisés dans un montage télévisuel abusif du film Showgirls de Paul Verhoeven (lequel contient un nombre considérable de scènes de nudité). "Aujourd'hui, vous pouvez payer Disney+ pour avoir la garantie d'en voir moins", ironise sur Facebook le critique cinéma Rafik Djoumi. On aurait pu rêver meilleur argument de vente.
Et le journaliste de rappeler, documents à l'appui, que la production du film avait déjà largement réfléchi à cette question de nudité lors du tournage (forcément problématique lorsqu'il s'agit d'un film Disney), allant même jusqu'à équiper l'actrice Daryl Hannah de "petites prothèses sur les mamelons, tout en maintenant sa perruque sur les seins avec du ruban à perruque". Des efforts autrement plus ingénieux (même si tout autant consensuels, pudibonds et incongrus) que ces retouches grossières.
Si celles-ci prouvent bien une chose au final, c'est que la sexualisation du corps des femmes - et l'injonction au "cachez ce sein.../ces fesses" qui va toujours avec - n'a aucune limite : même les sirènes sont concernées.