Des enfants sont abandonnés dans les bois, la nuit. Leurs yeux sont bandés. Et leurs pas, hésitants, alors qu'ils cherchent à se rendre au camp, tout là-bas, à l'autre bout de la forêt. Cela vous évoque un conte macabre des frères Grimm ? Vous avez tout faux : c'est une méthode d'apprentissage.
Et elle nous vient directement des Pays-Bas. "Bien sûr, vous vous assurez que vos enfants ne meurent pas, mais à part cela, ils doivent retrouver leur chemin tout seul", tient à modérer la romancière Pia de Jong dans les pages du New York Times. Le quotidien américain vient de nous révéler ce drôle de concept éducatif, sorte de mix entre Le Petit Poucet et les Castors Juniors. La journaliste Ellen Barry nous explique que les enfants en question sont généralement des préadolescents. Et que "l'abandon" n'a rien de si affolant. Au bout du chemin, pas d'issue tragique à la Into The Wild...
Rassurez-vous, les kids ne se retrouvent pas en immersion façon Bear Grylls (le gugusse de Seul face à la nature). Un adulte suit leurs pas. Ils portent sur leurs épaules des gilets fluorescents. Et le chef d'équipe de la bande a sur lui un téléphone portable, à n'utiliser qu'en cas d'urgence. Dans le sac à dos de ces scouts néophytes, l'on trouve des cartes et des compas. L'idée est de leur faire vivre une expérience initiatique de quelques heures. Cette tradition perdure depuis des années aux Pays-Bas et a pour but de "développer leur indépendance", nous raconte The New York Times. Une sorte de rite de passage vers l'âge adulte. En se retrouvant seuls, les enfants exercent leur esprit d'équipe et forgent leur débrouille. Les parents leur font ainsi comprendre qu'ils ne seront pas toujours là pour s'occuper d'eux. Les décisions sont désormais entre leurs mains.
Ce rituel à la Henry David Thoreau, Lara l'a même expérimenté à la fin des années 80, alors qu'il était étudiant en échange aux Pays-Bas. Dans les commentaires de l'article, cet internaute anonyme relate tout. On lui a d'abord bandé les yeux. Il s'est ensuite retrouvé à plusieurs kilomètres de la demeure familiale, aux côtés de groupes de trois ou quatre autres enfants. Au fil de leur promenade, pas vraiment de forêt sombre façon Blanche Neige, mais des terres agricoles, des routes de campagne et des zones boisées. Avec eux, une carte. Une poignée d'heures a suffit pour qu'ils retrouvent leurs chemin. A l'arrivée, aucun trauma, mais l'impression d'avoir vécu une curieuse randonnée, "une aventure de groupe vraiment amusante".
Au lieu de se catastropher, peut-être faut-il alors croire Ellen Barry lorsqu'elle nous dit : "si tout cela vous semble un peu fou, c'est parce que vous n'êtes pas néerlandais !". Mais que cela ne donne pas aux jeunes fans de Moonrise Kingdom de trop aventureuses idées...