Cette "nuit américaine" fut mouvementée. Au lendemain des élections présidentielles, ce 3 novembre, les résultats sont encore très serrés. Ce mercredi matin à 11h30 : 235 grands électeurs ont été remportés par Joe Biden, 213 par Donald Trump. On est loin, très loin du raz-de-marée démocrate espéré comme barrage solide au candidat républicain. Comme l'indique le JDD, l'ancien vice-président de Barack Obama devra encore remporter plusieurs Etats-clés, comme le Wisconsin, le Michigan, la Pennsylvanie, la Caroline du Nord ou la Géorgie, afin de se rapprocher davantage des 270 électeurs nécessaires pour gagner.
"Joe Biden doit impérativement remporter deux des quatre Etats suivants pour l'emporter : Michigan, Wisconsin, Pennsylvanie et Géorgie. S'il est défait dans trois de cet Etats, Donald Trump l'emportera. Or à l'heure actuelle, les tendances sont plutôt favorables au candidat républicain dans ces territoires", décrypte Brian Klaas, professeur à l'University College de Londres. Et l'expert en politique de conclure : "L'un des aspects les plus déprimants de cette élection américaine, quel que soit le résultat final, est que les États-Unis ont perdu la capacité de dire 'nous sommes meilleurs que cela' au reste du monde".
Difficile de le contredire, et ce à l'heure où quatre Etats seulement pourraient faire basculer l'Histoire des Etats-Unis. Des Etats par ailleurs remportés par Donald Trump il y a quatre ans de cela. Mais pour connaître le fin mot de cette course aux bulletins, dans un contexte marqué par une forte mobilisation citoyenne (notamment de par le taux de votes anticipés), il faudra encore attendre plusieurs jours : les votes par correspondance, qui concerneraient pas moins de 100 millions d'électeurs, seraient encore en attente de dépouillement.
L'Etat de Pennsylvanie, par exemple, ne devrait déclarer ses résultats que ce vendredi 6 novembre au plus tôt. Actuellement, impossible donc de savoir qui devrait l'emporter. Un suspens démocratique des plus inquiétants.
Attente d'autant plus insoutenable qu'elle se voit déjà ponctuée par les accusations (attendues) de Donald Trump. Ce dernier annonce une "victoire" qui n'a pourtant de victoire que le nom. "Nous avons déjà gagné. [...] Les démocrates ne nous rattraperont jamais. Les résultats sont phénoménaux ! Mais des gens malhonnêtes tentent de nier les votes des électeurs et de contester notre victoire. Les démocrates nient la réalité. C'est une fraude !", a en ce sens déclaré le candidat républicain à ses supporters. Du Trump tout craché.
Plus inquiétant que cette prévisible rhétorique, le président sortant menace de plaider sa cause devant la Cour suprême. Cour au sein de laquelle siège désormais la récemment nommée Juge Amy Coney Barrett, "chouchoute réac" du président - croyante fervente, anti-avortement assumée, ancienne adhérente d'une secte.
Le gouverneur démocrate de Pennsylvanie, Tom Wolf, a d'ailleurs dénoncé ces menaces, et assuré qu'un million de bulletins attendaient encore d'être dépouillés au sein de cet Etat très scruté. "J'ai promis aux habitants que nous compterions chacun d'entre eux et c'est ce que nous allons faire", a-t-il ajouté, comme le relate Franceinfo ce matin.
De quel côté penchera la balance ? Le maître de conférences à l'Université Paris-Diderot, Jean-Christian Vinel, perçoit déjà la victoire de Trump dans un Etat aussi crucial que la Pennsylvanie. "Là-bas, le vote des classes populaires blanches a joué un rôle décisif il y a quatre ans. Ce que les démocrates espéraient, c'est que ces classes composeraient une part moins importante aujourd'hui. Or, on parle d'une avance de Trump bien plus importante", déplore-t-il au site de Franceinfo.
Un élément essentiel pour l'issue de l'élection : les (très nombreux) votes par correspondance seront dépouillés en dernier. Et ils seraient favorables aux démocrates. Ces voix-là pourraient donc promettre une "remontada" à Joe Biden. Des votes que Donald Trump redoutent plus que tout et souhaiterait faire passer pour de la "fraude".
L'appréhension qui ne pourrait être apaisée (ou pas) qu'en fin de semaine. Avec de la chance. Le 2 novembre dernier, la politologue et historienne Nicole Bacharan nous expliquait que deux scénarios étaient envisageables à la veille des élections présidentielles. Le premier était évidemment une avance explicite de Joe Biden. Le second ? Un "score si serré qu'il dépendrait de certains Etats", avait prédit l'experte. Dans ce cas (celui que nous vivons), "il se pourrait que Trump ait une légère avance, annonçant sa victoire et demandant à Biden de concéder sa défaite. Biden refuserait et nous partirions sur la grande valse des recomptages", poursuit-elle.
Des procédures qui pourraient prendre plusieurs semaines... Nous voilà désormais face au moins évident, voire au pire des scénarios : celui de l'incertitude et d'une démocratie que Donald Trump va tenter de faire vaciller.