Lorsqu'on pense au fonctionnement politique en Afrique, un système juste et respectant parfaitement la parité hommes/femmes au sein de ses institutions n'est pas forcément ce à quoi on pense en premier. Et pourtant, d'après l'article d'Allafrica du 22 avril 2016, le Parlement namibien est le 4ème mondial à être composé d'autant de femmes : 46% selon Petrina Haingura , la secrétaire du SWAPO, l'acronyme anglais de l'Organisation du peuple sud-ouest africain, le parti majoritaire et au pouvoir en Namibie depuis la fin de la tutelle sud-africaine en 1990. Elle a déclaré au site Allafrica : "La Namibie a désormais un parlement composé à 46% de femmes, ce qui en fait le 2ème pays en Afrique et le 4ème mondial à respecter le mieux la parité hommes/femmes au sein des institutions politiques".
Car en effet, cela ne s'arrête pas là : deux des trois régions du pays sont gérées par des femmes, ainsi que la capitale, et les ministres de l'Intérieur, du Travail, des Finances, et des Affaires étrangères sont des membres du sexe faible. La parité semble devenir une règle intrinsèque du fonctionnement politique du pays, là où la France traîne encore péniblement la patte loin derrière avec seulement 26% de femmes au Parlement : la "terre sans nom", surnom donné pendant longtemps à la Namibie avant sa colonisation par l'Afrique du Sud, a désormais atteint le niveau de la Suède (44%) ou du Danemark (39%). Cela semble incroyable, et c'est pourtant totalement véridique : le porte-parole de l'Assemblé nationale Peter Katjavivi a confirmé publiquement le 21 avril que la Namibie, un pays dont l'Etat n'existe que depuis 1990, a réussi à accomplir ce que nous ne parvenons toujours pas à mettre en place après des siècles d'histoire et de démocratie.
Ces résultats sont entièrement dus au SWAPO. Ce parti politique est très largement majoritaire en Namibie et assoit son pouvoir sur son histoire : initialement un syndicat aux accents marxistes, le SWAPO est devenu dans les années 80 un mouvement de lutte armée contre la tutelle sud-africaine afin d'obtenir l'indépendance de la Namibie, avant de devenir à sa libération en 1990 son premier parti politique. Le SWAPO comprend un "Conseil des femmes", le Swapo Party Women's Council, qui est parvenu à mettre en place la parité homme/femme en politique alors qu'aucune loi ne le stipule : à la demande du SWPC, le président Hage Geingob, le candidat du SWAPO au pouvoir depuis le 21 mars 2015, a accepté d'amender la constitution du parti afin d'y faire paraître la règle du zèbre qui garantit l'équilibre entre les sexes au sein des postes de pouvoir du pays, d'après l'article du Monde.
Cette règle est simple : chaque liste présentée au Parlement doit compter un nombre identique d'hommes et de femmes, chaque ministre homme doit avoir pour vice-ministre une femme, et enfin, une femme doit succéder à chaque poste occupé par un homme et vice-versa afin de garantir le maintien de la parité : cette alternance régulière rappelle les motifs de l'équidé africain, d'où le nom de "règle du zèbre". Agnès Kafula, élue au Parlement et maire de Windhoek, la capitale du pays, s'enthousiasme : "Tout le pays est aujourd'hui mobilisé ! Beaucoup d'hommes pensent que notre place est en cuisine, mais les Namibiennes veulent aujourd'hui participer, devenir pilote, faire des maths et de la politique". Mais dans le cas de la Namibie, cette parité sert aussi de cache-misère au parti au pouvoir.
Le fait que le système du zèbre soit une initiative unilatérale du SWAPO, inscrite dans ses statuts, en dit long sur la finalité de cette règle : elle sert au parti à "attirer des électeurs" explique dans une interview au Terran Nova Voice Rosa Namises, directrice de Women's Solidarity, une association engagée pour le droit des femmes en Namibie. "La situation économique ne s'améliore pas, avec la pauvreté, le pouvoir et l'argent dans les mains d'une petite élite", ajoute-t-elle. Après un quart de siècle au pouvoir, le SWAPO fait office de parti unique : le premier parti d'opposition du pays n'a pu envoyer que 5 députés au Parlement contre 77 pour le SWAPO, après que son candidat Geinbog ait recueilli 87% des voix à la dernière présidentielle. Le système du zèbre servirait donc de "ravalement de façade" pour ce parti usé par un monopole du pouvoir sur un quart de siècle dans un pays où un tiers de la population vit avec moins d'un dollar par jour. Et si la parité qu'elle établit ne manque pas de séduire, il faut être conscient, pour Jonathan Beukes, journaliste à The Namibian (le plus gros journal du pays) du profil des femmes élues au Parlement : ce ne sont pas des révolutionnaires ou des politiciennes aguerries mais plutôt "soit des novices, soit des anciennes de la guérilla. Malheureusement, les personnes les plus susceptibles de susciter le changement sont les hommes".
Les femmes siègent bien au Parlement, mais elles y font plus de la figuration qu'autre chose : la frontière du partage de pouvoir homme/femme s'est faite plus pernicieuse, en devenant moins visible du fait d'un système d'apparat qui a plus pour but de donner un coup de fouet à un parti omnipotent que de changer en profondeur le système politique namibien.