Tom a la voix posée et une maturité étonnante. Ce petit bonhomme calme et articulé est né en 2008 d'une PMA entreprise par ses deux mamans, Anne et Séverine. A l'époque, les deux femmes font figure de précurseuses en se tournant vers les Pays-Bas, seul pays européen qui proposait que l'enfant puisse avoir accès à des informations concernant le géniteur à sa majorité. "On a fait deux inséminations, la deuxième a réussi", explique Anne, qui a porté l'enfant.
Son histoire, Tom la connaît depuis ses trois ans. "Il n'y a aucun tabou", assure-t-elle. C'est d'ailleurs le plus naturellement du monde que Tom revient sur son parcours : "Mes mères m'ont expliqué qu'elles étaient allées dans une clinique à Amsterdam et qu'elles avaient pris une graine et que c'est comme ça qu'elles m'avaient conçu", explique-t-il. "Elles voulaient que je sache d'où je viens et que je puisse avoir des informations quand je serai majeur et que je puisse rencontrer l'homme qui a aidé à me concevoir, s'il est encore d'accord."
Ce "géniteur" comme il l'appelle, Tom ne serait pas contre le rencontrer un jour. Par curiosité. Parce qu'il "a fait partie de ma conception". Mais cela s'arrête là. "Pour moi, un père, c'est celui qui va éduquer. Je le considère comme mon géniteur et non comme mon père."
Depuis sa naissance, Tom dispose d'un "livre de vie" dans lequel ses mamans ont classé tous les documents retraçant son parcours. Un document sur lequel il ne s'est pas encore vraiment penché. "Il sait que ce livre est là. J'attends qu'il me sollicite pour ajouter une suite à cette histoire. Mais il n'est pas accroché à ça. Il est dans sa vie de garçon de 11 ans bien dans ses baskets", explique Anne. En revanche, le jeune garçon et ses deux mères se sont rendus à Amsterdam cet été. Une première étape pour "désacraliser" sa conception. "Nous sommes allés à la clinique et on a rencontré un médecin qui parlait français qui lui a expliqué la procédure. C'était comme un petit retour aux sources."
Dans son collège, le schéma familial de Tom n'étonne pas. "Je n'ai jamais eu de moqueries." Ses petits camarades de 5e lui posent parfois des questions auxquelles il répond très simplement. "Je leur dis que j'ai été conçu dans une clinique à Amsterdam et que je pourrais peut-être rencontrer mon géniteur quand je serai majeur, que j'ai quelques informations sur lui, mais que j'ai deux mères et que ça me convient très bien." Et à celles et ceux que cela dérangerait, Tom brandit : "Ils peuvent penser ce qu'ils veulent ! Tout le monde a le droit d'aimer qui il veut. Tout le monde a le droit de faire ce qu'il veut."
Une philosophie inculquée par ses deux mamans. "A la crèche comme à l'école, nous avons toujours été très claires. Il n'y a pas de honte, on a la même vie que les autres, on a juste une sexualité différente", rappelle Anne. "Avec les parents des élèves, ça se passe très bien, il est invité à des anniversaires, des copains viennent à la maison. Personne ne dit : 'Non, on ne va pas chez Tom'. Il est dans une école intelligente avec des minots qui sont intelligents. Et il est suffisamment intelligent pour nous faire part de difficultés éventuelles. Mais ce n'est pas un sujet."
Aujourd'hui, les mères de Tom sont séparées, prenant soin de mettre en place une procédure de délégation de l'autorité parentale- une mesure inédite à l'époque. Anne et Séverine conservent de bons rapports et la garde alternée de Tom s'organise sans anicroche. "Parfois, j'ai plus de cahiers que d'habitude parce que le lundi-mardi, je suis avec ma deuxième mère et le mercredi-jeudi avec ma mère. Et un week-end sur deux en alternance. Ça fait un sac un peu plus lourd, mais je préfère voir mes deux mamans dans la semaine plutôt qu'une."
La loi bioéthique qui vient de passer devant l'Assemblée nationale ? Tom en a entendu "un peu parler". "J'espère que la PMA sera acceptée pour les autres. Là, ça nous fait visiter d'autres pays comme la Hollande, c'est chouette, mais il faudrait que ça progresse", s'amuse-t-il. "Heureusement que ça ne régresse pas..."