C'est seulement en 2002 que la loi a changé, permettant aux parents de choisir quel nom de famille donner à leur enfant à la naissance. Seulement presque 20 ans plus tard, les chiffres sont formels : dans environ 80 % des cas, selon l'Insee, c'est encore le nom du père qui est attribué. Un déséquilibre que le collectif Porte mon nom veut prestement corriger, en instaurant l'automatisation du double nom.
Fondée par Marine Gatineau Dupré, mère de deux enfants dont elle ne porte pas le nom, ce qui l'oblige à "ressortir les livrets de famille pour toutes les démarches administratives", livre-t-elle à L'Obs, l'organisation a reçu plus de 2 400 témoignages similaires, et plus de 8 100 signatures sous la pétition dédiée, au 26 mai. Et ce succès en dit long sur la pertinence de sa cause.
A celles et ceux qui argumenteraient que c'est déjà possible de le faire aujourd'hui, elle rappelle : "c'est quasiment tout le temps le père qui décide", pour la bonne raison que dans 99 % des situations, c'est lui qui déclare le nouveau-né. "Soyons réalistes, au neuvième mois de grossesse ou à l'accouchement, ce n'est pas le moment pour les mères de rentrer en conflit. Cette période où les femmes sont vulnérables, apeurées, fatiguées et impuissantes, elles ne peuvent pas être en désaccord." C'est donc "à la société d'aider", martèle Marine Gatineau Dupré.
La citoyenne presse en outre : "La situation est dramatique" et va au-delà de l'inégalité sur le papier. "On n'avait pas réalisé l'ampleur du problème. Il y a le cas des femmes divorcées, des familles recomposées mais aussi celui des enfants abandonnés, qui portent le nom d'un père absent. Il y a les cas de violences conjugales, ou même des histoires de viol, où l'enfant doit porter le nom de son bourreau".
Pour faire évoluer cette "tradition ancestrale", Marine Gatineau Dupré s'entache à rédiger un décret qui modifierait la loi (semblable à la tentative de l'ex-garde des Sceaux Christiane Taubira, en 2013), et qui demande une automatisation du double nom dans l'état civil à la naissance, dans l'ordre choisi par les parents, ou l'ordre alphabétique en cas de désaccord.
Autres modifications mentionnées : la possibilité pour l'enfant de choisir un nom ou les deux à sa majorité, à ce que le nom de naissance de la mère puisse accolé en nom d'usage à celui des enfants quand elle le souhaite et donc, sans l'autorisation du père.
"Dans une société où l'égalité des sexes progresse, la transmission du nom du père reste une grande inégalité. C'est un marqueur fort, qui montre que l'on est encore dans une société très patriarcale", souligne le député LREM de l'Hérault Patrick Vignal, qui reconnait une "solution intelligente" dans ce que propose le collectif, et s'engage à la proposer au ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti "cette semaine", précise L'Obs.
Il insiste par ailleurs que "l'idée c'est l'automatisation et non l'obligation", et l'assure : "[cela] contribuerait en outre à améliorer la place de la femme dans la société". A bon entendeur.