Dimanche 19 juillet, Eric Dupond-Moretti en a surpris plus d'une. Lors de son intervention sur le plateau du journal télévisé de 20 heures sur France 2, le nouveau ministre de la Justice l'a énoncé sans détour : "Je suis féministe". La raison de cette déclaration pour le moins inattendue ? L'ancien avocat réagissait aux critiques des militantes après sa nomination, qui l'accusent d'avoir tenu des propos incompatibles avec la défense des droits des femmes.
Notamment en tournant en dérision l'emploi du terme "féminicide", rappelle L'Obs, en assurant que certaines femmes regrettaient de ne plus se faire siffler, ou en expliquant que si "le mouvement #Metoo a permis de libérer la parole et c'est très bien (...) il y a aussi des 'folasses' qui racontent des conneries et engagent l'honneur d'un mec qui ne peut pas se défendre car il est déjà crucifié sur les réseaux sociaux."
Pourtant, celui qu'on surnomme "EDM" le revendique : "J'ai dit que j'étais pour une égalité absolue des droits des hommes et des droits des femmes et notamment sur le domaine salarial, et sur cette question, je suis féministe et je le dis, sans avoir à rougir, je suis féministe." Vraiment ?
Trois jours plus tard, lors de son audition par la commission des lois de l'Assemblée nationale, le Garde des sceaux a questionné la véracité des chiffres des violences faites aux femmes soulevés par le député PS Hervé Saulignac. Celui-ci interpellait l'interpellait sur la façon dont il comptait s'y prendre pour "réconcilier les Françaises avec leur justice". "93 000 femmes subissent des viols ou des tentatives de viol", rappelle l'élu de gauche. "1 000, c'est le nombre de condamnations prononcées chaque année pour ces crimes-là".
Sur l'estrade, Eric Dupond-Moretti rétorque : "Je ne sais pas d'où vous tenez ces chiffres. Je souhaite savoir comment on les obtient, ces chiffres, parce que c'est au fond assez curieux qu'autant de faits aient été avérés sans que des plaintes aient été déposées. Je n'ignore pas qu'un certain nombre de plaintes n'aboutissent pas, c'est une évidence. Ces chiffres-là me paraissent effrayants s'ils correspondent à une réalité, effrayants".
Il poursuit, visiblement peu informé sur le dossier : "Comment peut-on savoir qu'un viol a été perpétré s'il n'y a pas de plainte ? Si ces chiffres sont avérés, je suis véritablement inquiet."
Ces chiffres justement, sont issus d'une enquête réalisée par l'Insee, l'ONDRP (Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales) et le SSMSI (Service statistique ministériel de la sécurité intérieure), rapporte Franceinfo. Ils ont ensuite été repris dans la lettre de l'Observatoire national des violences faites aux femmes de 2017. En 2018, ils passaient à 94 000, poursuit le média.
Après interruption de la séance, le ministre de la Justice reviendra sur sa réaction, réalisant sans doute sa bourde : "J'avais mal compris : c'est 99% des viols supposés commis qui ne font pas l'objet d'une dénonciation." Reste à voir si, en plus de finir par croire ces chiffres glaçants, Eric Dupond-Moretti décidera d'agir concrètement pour éradiquer la réalité tragique qu'ils révèlent.