Les entretiens d'embauche sont-ils plus compliqués à passer avec succès quand on est une femme plutôt qu'un homme ? C'est ce qu'avance une récente étude menée par l'Université de Californie et l'Université de Californie du Sud.
D'après les chercheurs, qui ont visionné pendant deux ans 119 vidéos d'entretien d'embauche pour un poste d'enseignant-chercheur universitaire en sciences de l'ingénieur, les chargés de recrutement se montreraient bien plus sévères lorsque le candidat qu'ils ont en face d'eux est une femme.
Premier constat émis par les chercheurs : à CV égal avec leurs homologues masculins, les candidates se voient poser 17 questions en moyenne pour expliquer leur parcours, leurs compétences et leur motivation. Les hommes, eux, ne doivent répondre qu'à 14 questions. Les chargés de recrutements sont aussi plus prompts à interrompre les femmes lorsqu'elles parlent : en moyenne, ces dernières se voient couper la parole 25% plus souvent que les hommes pendant leur entretien.
La discrimination implicite à l'embauche envers les femmes ne s'arrête pas là. Bien plus durs avec les femmes qu'ils reçoivent qu'avec les candidats masculins, les recruteurs posent trois fois plus de questions de relance aux candidates, ce qui réduit considérablement (-21% par rapport aux hommes) le temps de parole dont elles disposent pour motiver leur candidature.
Résultat : il n'est pas rare que les candidates se trouvent non pas en position de faire valoir les qualités de leur candidature, mais au contraintes de justifier leur manque d'expérience. Se sentant acculées, elles sont souvent sur la défensive afin de prouver qu'elles sont bien légitime face au recruteur.
C'est ce que les auteurs appellent la tendance "prouve-le encore" (en anglais, prove it again) : il s'agit du double critère selon lequel les hommes sont jugés sur leur potentiel tandis que les femmes sont jugées strictement sur ce qu'elles ont déjà accompli. De fait, les femmes doivent démontrer deux fois plus que les hommes qu'elles ont toute leur place dans le processus de recrutement et qu'elles n'ont pas "volé" leur place – en l'occurrence celle d'un candidat masculin. "Supposées moins compétentes, les femmes sont prises dans un cercle vicieux", expliquent les auteurs de l'étude. Davantage mises à l'épreuve, elles "manquent de temps pour présenter un argumentaire cohérent et convaincant".
Cette tendance insidieuse qu'ont les recruteurs – majoritairement des hommes – à dévaloriser les candidatures des femmes pèse lourd sur l'évolution de carrière de celles-ci et constitue un frein à leur prise de confiance en milieu professionnel. Sans doute serait-il judicieux de rapprocher les conclusions de l'étude de la difficulté qu'ont les femmes à s'imposer et à être considérées comme des leaders. Où quand les recruteurs contribuent malgré à renforcer le syndrome de la bonne élève dont souffrent nombre de femmes dans leur parcours professionnel...