C'est un hôtel quatre étoiles. L'on s'y rend pour se détendre. Il se situe à Majorque, en Espagne. Jusqu'ici, rien d'étonnant. Mais voilà, au gré de ses trente-neuf chambres, le Som Dona Hotel porte en lui une singularité plutôt notable : il est exclusivement réservé aux femmes. Plus précisément, les seuls hommes que l'on croise au détour des couloirs font partie du personnel - lui aussi majoritairement féminin. Pour une audience à la fois non-mixte et variée, puisque, comme le précise Slate, l'établissement accueille aussi bien des adolescentes de quatorze ans que des mères célibataires, des femmes lesbiennes en couple ou des groupes de copines.
"Se déconnecter du stress de la vie quotidienne". C'est là l'adage du Som Dona Hotel, détaille The Independent. Et pourquoi pas ? Après tout, ces chambres d'hôtel réservées aux femmes apparaissent comme une intéressante perspective face à la charge mentale que ces dernières subissent au quotidien. Un havre de paix, si vous voulez. Pas simplement pour les clientes, d'ailleurs. L'an dernier, une longue enquête mettait en lumière le harcèlement et les abus divers (gestes déplacés, appels téléphoniques hors-propos, avances appuyées) dont sont régulièrement victimes les salariées de l'hôtellerie, notamment de la part de clients particulièrement libidineux. Dans ce genre de lieux, le personnel hôtelier (les femmes de chambre par exemple) est trop souvent sexualisé. Et si un lieu "girl power" changeait la donne ?
L'interrogation est loin d'être absurde, d'autant plus que le Som Dona Hotel n'a rien d'une exception, bien au contraire. Fort de son succès, le système du "women only" s'exporte aux quatre coins du monde. Il vit déjà ses beaux jours du côté de Bali (le Bliss Sanctuary, une villa réservée aux femmes seules et à leur "sérénité") comme de Zurich (le Josephine's Guesthouse, sorte de gîte minimal et militant), et s'étend de Tokyo (le bien-nommé Hotel Zen) au Moyen-Orient (avec le luxueux Luthan Hotel and Spa). Suivant les pays et les cultures ce sont les mêmes notions qui se déclinent, entre sororité (un brin marketing évidemment) et bien-être.
Autant de manières s'il en est de combattre "l'empoisonnement" potentiel d'un environnement de travail. Et de garantir, sur le papier tout du moins, l'idée plutôt idéaliste d'un "safe space" : une conception de l'hôtel (et de ses chambres) comme zone de confort, détachée des éventuels soucis de la "vie de tous les jours" (et surtout, de ses gros lourds). Une niche commerciale certaine à l'heure où de plus en plus de femmes voyagent seules et sont ainsi en quête de lieux d'hébergement où la sécurité domine.
Mais en féminisant les hôtels, peut-on vraiment échapper au "male gaze", ce regard masculin prédominant qui scrute (et sexualise) les femmes et leurs corps ? C'est justement ce que se demande The Independent. Spoiler : la perplexité est de mise. "Le problème ne disparaîtrait pas simplement si nous, les femmes, étions dans un espace réservé au chromosome XX. Il n'y a pas que les hommes qui commentent l'apparence des femmes - j'ai entendu beaucoup de femmes faire des remarques sournoises sur les décisions vestimentaires de leurs consoeurs", déplore la journaliste Lucie McInerney.
Ne ferions-nous que "détourner le problème" en considérant cette alternative comme un refuge ou un plan B ? En gros : les femmes ne doivent pas privilégier l'entre-soi, ce sont avant tout aux mecs de sérieusement réviser leur attitude. Pourquoi pas. Mais il y a du boulot...