Sexo
Et si on dédramatisait les problèmes d'érection ?
Publié le 20 février 2017 à 16:32
Par Dorothée Louessard
Alors que pour la plupart des hommes, avoir des problèmes d'érection est très mal vécu, pour une certaine catégorie d'entre eux, ce trouble est ressenti comme quelque chose de normal et sans gravité, comme le révèle une récente étude américaine.
Quand dysfonctionnement érectile rime avec soulagement Quand dysfonctionnement érectile rime avec soulagement© Getty Images
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La virilité va-t-elle forcément de pair avec relations sexuelles pénétrantes ? C'est le point de départ de la récente étude conduite par Emily Wentzell, professeure agrégée d'anthropologie à l'Université de l'Iowa et parue dans The Journal of Sex Research. Et, d'après ses conclusions, "les idées que nous nous forgeons sur ce qui constitue un rapport sexuel viril sont culturelles, non naturelles ou universelles", comme elle le développe dans une interview à Broadly. "Il y a de l'argent à faire en promouvant l'idée que les hommes virils devraient avoir des relations sexuelles pénétrantes tout au long de la vie, en vendant des produits pharmaceutiques" à l'instar du viagra donc.

Mais le fait qu'en vieillissant, leur sexe ait du mal à se mettre au garde à vous fait-il vraiment souffrir ces messieurs ? Doivent-ils forcément être traités médicalement pour tenter de redresser la barre ?

Au travers de son étude, l'anthropologue a souligné un lien entre la dysfonction érectile et la norme sociale. Ainsi selon elle, ce que l'on qualifie comme des troubles de l'érection dépend des normes sociales et non d'une vérité sur l'état dans lequel se trouvent vraiment les hommes. "La concentration sur le sexe pénétrant comme norme idéale de sexualité dans lequel on doit s'engager tout au long de la vie est issue des idées culturelles américaines sur la virilité et le corps masculin à savoir, idéalement, une machine qui ne cesse de fonctionner de la même manière, malgré la maladie ou le vieillissement", déclare Emily Wentzell.

Le marketing érectile

D'ailleurs, il existe de nombreuses causes pouvant conduire à une dysfonction érectile. De nos jours, on a tendance à pointer du doigt un facteur psychologique comme principal responsable. Ce qui, selon l'auteure de l'étude, faciliterait la tâche aux industries pharmaceutiques proposant le traitement médicamenteux adapté à la cause.

"La médicalisation de l'impuissance et l'accent mis sur le sexe phallocentrique comme idéal sexuel naturel et sain ont été promus dans le monde entier par le marketing de ces médicaments", déclare-t-elle. "Bien que les médicaments contre la dysfonction érectile puissent apporter un véritable soulagement aux hommes qui veulent avoir des relations sexuelles pénétrantes - mais qui éprouvent des difficultés -, ils instaurent également des normes culturelles problématiquement et étroites pour la masculinité et la sexualité".

Or, en étiquetant ainsi les hommes sur leur degré d'impuissance, n'a-t-on pas influencé leur propre regard sur eux-mêmes, les forçant à penser qu'ils ont un problème parce qu'ils ne réussissent pas toujours à s'ériger comme il le faudrait ?

Récemment, le langage médical a rebaptisé la "dysfonction érectile", préférant désormais employer les termes de "qualité érectile" comme le précise Tristan Bridges, professeur de sociologie au College at Brockport State University of New York. Mais en prônant la "qualité érectile", ce ne sont plus seulement les hommes souffrant de troubles de l'érection qui peuvent se sentir visés, mais la gent masculine dans son intégralité, alerte le professeur Bridges.

La pénétration n'est pas une fin en soi

Ainsi, au cours de son étude, Emily Wentzell a noté que certains hommes utilisaient du viagra pour se conformer à des idéaux de la sexualité pénétrante tout au long de la vie alors que d'autres - hommes et femmes - dénoncent cette érection "mécanisée", prônant à la place toutes sortes de pratiques non pénétrantes et notamment à mesure que l'on avance en âge. Et en effet, selon l'anthropologue, la pénétration n'est pas forcément une fin en soi pour tous les hommes durant la totalité de leur vie (sexuelle).

Pour les besoins de son étude, elle a interrogé durant 10 mois, plus de 250 hommes au Mexique, traités pour divers problèmes urologiques. Elle a alors pu établir des différences culturelles dans l'appréhension que l'on peut avoir lorsque l'on souffre d'une pathologie du pénis. Certains acceptant le verdict de manière positive, ne considérant pas le sexe pénétrant comme une condition sine qua non de leur virilité. Au contraire, ces derniers y voyaient là une occasion de se recentrer sur d'autres besoins tels que la maison et la famille. Et boudaient plus volontiers les relations extra-conjugales.

Emily Wentzell conclut donc en suggérant de cesser de considérer les dysfonctionnements érectiles survenant au cours de la vie comme quelque chose de négatif. "Les gens seraient probablement plus heureux avec eux-mêmes et avec leurs partenaires s'ils pensaient plus largement ce qui peut constituer des relations sexuelles agréables et voir les corps et les désirs des hommes changer au cours de la vie comme quelque chose de normal plutôt que pathologique".

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