Au début de cette nouvelle année, mon mari et moi avons réfléchi à ce que nous espérions pour nos deux enfants, actuellement et quand ils seront grands. Nous sommes rapidement tombés d'accord sur le fait que nous voulions simplement les voir heureux, quels que soient leurs choix de vie. Ca nous a fait du bien de le formuler, et c'est vrai. J'adorerais que mes enfants aient une vie longue et heureuse.
Le hic, c'est que le bonheur n'est pas un bon objectif.
Les humains, dans leur grande majorité, n'évoluent pas dans un état de béatitude perpétuelle (voire semi-régulière), parce que la vie est dure et parce que notre cerveau a tendance à ne retenir que le négatif. De même, la plupart des choses dont nous pensons qu'elles vont nous rendre heureux s'avèrent décevantes.
Voici d'autres raisons pour lesquelles tenter d'être heureux ne fonctionne pas si bien, mais aussi ce qui pourrait marcher, selon la science.
Le bonheur ne peut être un objectif à long terme parce qu'il s'agit d'une "émotion fluctuante", comme l'explique Itai Ivtzan dans un article pour Psychology Today. C'est particulièrement vrai du bonheur hédoniste, qui consiste à booster le plaisir et minimiser la souffrance.
Poursuivre résolument cette émotion fugace peut réellement s'avérer contre-productif, soutient Sonja Lyubomirsky, professeure et vice-présidente de la chaire de psychologie à l'université de Californie Riverside et autrice de The How of Happiness.
Elle se réfère à des études selon lesquelles les gens qui surévaluent le bonheur, ceux qui proclament qu'à tout moment de leur vie, leur bonheur est un indicateur de la valeur de cette dernière, ont tendance à être ou devenir moins heureux au fil du temps. "Si vous êtes trop préoccupé par votre bonheur, vous allez passer plus de temps qu'il n'en faut à surveiller vos émotions, (...) à vous demander si vous êtes vraiment heureux", explique-t-elle, ajoutant que le sentiment d'échec vous guette si vous n'obtenez pas le degré de joie escompté.
Autre point essentiel : être heureux tout le temps est une idée absurde. "Le but n'est pas d'être heureux 24h/24", déclare Richard Davidson, fondateur et directeur du Center for Healthy Minds de l'université du Wisconsin-Madison. On ne songerait pas à être heureux face à la perte d'un être cher, ou à d'autres traumatismes et défis tels qu'une pandémie mondiale.
Compte tenu de tout cela, "notre équipe privilégie le bien-être au bonheur". Et s'il n'est pas normal d'être heureux face à la peine ou au traumatisme, on peut néanmoins maintenir un niveau élevé de bien-être quand on est triste, estime-t-il. Le chagrin et la souffrance font partie de la vie.
En outre, le bien-être est un objectif à long terme "raisonnable" et susceptible d'être atteint, souligne-t-il. Ses collègues du Center for Healthy Minds ont récemment publié une enquête qui, selon eux, explique comment accéder au bien-être à l'aide d'habitudes quotidiennes concrètes et d'une application d'accompagnement gratuite.
Dans une étude récente expliquant comment accéder au bien-être, Richard Davidson et ses collègues ont identifié quatre piliers, dont l'un est la pleine conscience. Il la décrit comme la capacité à "être dans le moment présent" et à "savoir ce que fait notre esprit".
De nombreuses études ont d'ailleurs établi un lien entre pleine conscience et bien-être. Mais Richard Davidson et ses collègues insistent sur le fait qu'il n'est pas nécessaire de pratiquer la méditation assise. Ils encouragent plutôt les gens à s'habituer à fermer les yeux et prendre chaque jour dix inspirations profondes, ou se concentrer sur leurs sensations pendant qu'ils effectuent des tâches banales.
"Ces pratiques vont s'intégrer à vos activités quotidiennes", nous dit-il. "Vous les effectuerez en faisant la lessive, le ménage, une promenade, ou vos allers-retours au travail. Vous n'avez pas à y consacrer une minute supplémentaire de votre temps."
Les scientifiques ont démontré que le fait de vivre et travailler en ayant un but apporte toutes sortes d'avantages sur le plan physique et émotionnel. Une étude de 2019 a même révélé que cela se traduisait par une espérance de vie plus longue. On ne sait pas encore pourquoi exactement, mais il semblerait que les gens vivant avec le sentiment d'avoir un but subissent moins de phénomènes inflammatoires.
Les spécialistes sont convaincus que la poursuite d'un but est vraiment ce qui nous distingue des autres espèces animales. "Les humains ressemblent à beaucoup d'autres créatures dans leur quête du bonheur", souligne une étude de 2013. "Mais la quête de sens est un élément clé de ce qui fait de nous des humains."
Ce qui compte, c'est de comprendre nos valeurs fondamentales, de se tenir au cap que l'on s'est fixé, soutient Richard Davidson.