Bientôt, les mères et les pères de famille québécois qui ont mis leur carrière entre parenthèses pour s'occuper de leurs enfants pourraient bien se voir verser une "prestation compensatoire parentale" par leur ex-conjoint en cas de séparation.
C'est en tout cas ce que recommande un comité d'experts dans un rapport sur la modernisation du droit de la famille et remis au mois de juin au gouvernement du Québec. Petite révolution : cette compensation financière, versée en une fois, s'appliquerait à tous les parents, qu'ils soient mariés ou non.
Une compensation des pertes financières
Selon le site québécois LaPresse.ca qui rapporte l'information, la prestation compensatoire parentale concernerait en premier lieu les mères de famille, qui sont les plus nombreuses à arrêter temporairement de travailler, à prendre un emploi à temps partiel ou à mettre un terme à leurs études pour s'occuper de leur famille. "Dans de nombreux cas de rupture, les femmes sont en recherche d'emploi, ou font un retour aux études pour terminer une formation inachevée, explique à LaPresse.ca l'avocat Jean-François Chabot, qui préside l'Association des médiateurs familiaux du Québec. Ce n'est pas toujours facile si elles viennent de passer cinq ans à la maison à s'occuper des enfants."
Les statistiques établies par le Canada sur le pourcentage de mères mettant en "pause" leur carrière à la naissance de leur premier enfant en atteste. Selon les chiffres de l'Institut de la statistique du Québec cités par Slate.fr, "la présence d'enfants incite les femmes à réduire leur temps de travail, même parmi celles à temps plein. Plus les enfants sont jeunes, plus la réduction des heures de travail apparaît prononcée." Ainsi, 17,4% des mères d'enfants de moins de 3 ans et 21% des mères d'enfants de 3 à 15 ans travaillent à temps partiel, contre 4% des pères qui n'évoquent que très rarement le motif de "soins aux enfants" (contre 54% des mères travaillant à temps partiel).
Une diminution de leur activité professionnelle qui s'accompagne de facto d'une baisse significative de leurs revenus. "Au cours de l'année de la naissance d'un enfant et de l'année suivante, les mères [subissent] des baisses de gains d'environ 30 % à 40 %, et elles continuent de connaître des baisses de gains au cours des autres années suivant la naissance de l'enfant."
Aussi novatrice l'idée des experts québécois soit-elle, elle sera, dans les faits, difficile à appliquer. Principale difficulté à surmonter : le calcul de la compensation financière, qui s'annonce compliqué. Car, en plus des pertes salariales à évaluer, il faudra aussi s'atteler à chiffrer les augmentations de salaire et les primes manquées, les contributions aux régimes des retraites perdues, les opportunités professionnelles avortées.
Les objecteurs à la prestation compensatoire font aussi part de leur réserve sur le versement en une seule fois préconisé par le comité consultatif sur les droits de la famille. Quid des familles à faibles revenus qui, en cas de séparation, se retrouvent bien souvent en situation précaire ? "Les moyens du débiteur doivent être pris en compte pour déterminer la compensation, les rassure le professeur de droit à l'Université de Montréal Alain Roy, et qui a présidé le comité. Si on n'a pas les moyens, il n'y aura pas de compensation. Il n'est pas question d'assommer quelqu'un avec une dette de 200 000 $. Mais si on prévoit que le payeur pourrait avoir des moyens plus importants dans l'avenir, il est possible d'étaler les paiements sur 10 ans."
Difficilement applicable, cette mesure sera, en cas d'assentiment par le gouvernement québécois, une "première mondiale", note le site LaPresse.ca. Ce qui nous fait nous interroger : à quand une mesure similaire en France ? À l'heure où le taux d'activité des femmes avec deux enfants en bas âge chute à 66% contre 97% pour les hommes et où 46% des pères déclarent que le congé parental à temps plein ne les intéresse a priori pas (contre 25% des mères), ce ne serait peut-être pas une si mauvaise idée.
Car aujourd'hui, il existe bien une "prestation compensatoire en France" accordée dans les procédures de divorce (pour les couples mariés, donc) et qui vise à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives. Mais elle n'est pas directement liée au coût généré par l'éducation et les soins aux enfants.