En 2021, l'écologiste Sandrine Rousseau énervait les réacs en abordant la notion "d'homme déconstruit" : "Je vis avec un homme déconstruit et j'en suis hyper heureuse. Je ne fais pas confiance à des hommes ou femmes qui n'ont pas fait le chemin de la déconstruction", déclarait la candidate à la primaire écolo devant les caméras de LCI.
En deux mots, serait déconstruit celui qui interrogerait sa condition d'homme hétérosexuel et les stéréotypes de genre qui lui sont associés, ne serait pas viriliste, et, surtout, serait à l'écoute des réflexions féministes sans s'accaparer la parole à lui seul au sein des débats. Un concept qui serait loin de déplaire tout à fait.
Ainsi une nouvelle étude Ifop pour le réseau de social de rencontres libres Wyylde réalisée auprès de 2 003 personnes âgées de 18 ans et plus affirme que 70% des Françaises souhaiteraient être en couple avec un "homme déconstruit". Et les hommes seraient 57 % à souhaiter le devenir, soit plus d'un homme sur deux. Des chiffres de taille s'il en est, qui en disent potentiellement long sur l'évolution des mentalités.
En outre, 61% des Françaises hétérosexuelles actuellement en couple trouvent que leur conjoint actuel est déjà "déconstruit". 75% des jeunes femmes le pensent notamment, et 73% des femmes cadres. De plus, 54% des hommes interrogés se disent "déconstruits". 78% des jeunes hommes de moins de 25 ans en sont persuadés notamment. Preuve en est, en tout cas, que le terme est plus compris qu'on ne le pense.
Mais si l'on en suit les chiffres, tout varie selon la sensibilité politique des principaux concernés. Ainsi seulement 55% des sympathisantes Les Républicains souhaiteraient être en couple avec un homme déconstruit. Et plus au bout de la droite encore, seules 42% des sympathisantes d'Eric Zemmour répondent à l'affirmative. Alors que du côté des sympathisantes EELV, 76% avancent que leurs compagnons sont déjà déconstruits...
"Ce concept répond aujourd'hui à une aspiration profonde aussi bien de la gent féminine que masculine. Même si derrière leurs déclarations, les hommes hétérosexuels – notamment les plus à droite politiquement – sont loin de tous accepter une remise en cause de toutes les formes de domination masculine", observe le rapport, précisant que les électeurs d'extrême droite ne sont à ce titre que 59% à se dire déconstruits. De plus, l'écart est également générationnel. Ainsi seuls 55 % des seniors de plus de 70 ans se disent "déconstruits".
Mais à l'inverse, le sondage démontre que les jeunes hommes seraient plus sensibilisés aux enjeux d'égalité entre les hommes et les femmes, et "plus volontaires en matière de déconstruction".
Il n'empêche que ces résultats mettent en avant des nuances et réserves. Si 54% des hommes s'auto-évaluent "déconstruits", ils ne seraient ainsi que 46,6% à adopter réellement des comportements qui le seraient réellement. Et notamment chez la jeune génération.
"Alors que les hommes de moins de 35 ans sont la génération s'auto-évaluant le plus comme 'déconstruite' (56%), ce sont paradoxalement ceux qui expriment des velléités de contrôle parmi les plus fortes sur le corps de leur partenaire. Fortement imprégnée des diktats de beauté féminine véhiculés notamment par les réseaux sociaux et la pub, cette génération pourtant la plus sensible à la notion de déconstruction révèle de nombreuses contradictions", note l'enquête.
Par exemple, 1 homme sur 3 âgé de moins de 35 ans déclare qu'il ne pourrait pas être en couple avec une femme en surpoids (33%). Ou encore près de la moitié des hommes interrogés, toutes générations confondues, n'accepteraient pas d'avoir des rapports avec une femme qui aurait des poils sur les jambes (45%). Tout comme plus d'1 homme sur 4 de moins de 35 ans n'accepte pas de sa partenaire qu'elle sorte le soir avec un décolleté trop plongeant (26%) ou une jupe trop courte (27%) si elle n'est pas avec lui. Et pour 31% d'entre eux, sortir avec une femme sensiblement plus grande en taille ne serait pas envisageable.
Le poids du patriarcat et de ses injonctions semble donc toujours bel et bien présent.
Enfin, la vie sexuelle reste une étape majeure vers la déconstruction, notamment "le recours à des pratiques inversant les rôles genrés de pénétrant/pénétré", note le rapport.
Pourtant, plus de trois quarts des hommes (76%) refuseraient formellement d'expérimenter le plaisir prostatique avec leur partenaire féminine.
Dans la sphère intime, la pénétration reste la norme. Mais dans un sens seulement. 52% des hommes refuseraient de "se faire pénétrer l'anus par le doigt", et 65% "par un objet (plug, sextoy)". "Pour la majorité des hommes, leur propre corps reste un domaine impénétrable, refusant toute forme d'intrusion ou de pénétration - pratique essentiellement associée au corps féminin et aux couples homosexuels", achève l'étude.
Un bon point cependant : la place donnée au plaisir féminin. Plus de la moitié des hommes (56%) se déclarent favorables à l'idée d'avoir une majorité de rapports sexuels sans pénétration et près de 9 hommes sur 10 (88%) sont disposés à continuer un rapport après l'éjaculation, afin que leur partenaire parvienne à l'orgasme.
Côté charge contraceptive, 68% des hommes interrogés se déclarent favorables à prendre une contraception masculine (pilule masculine, slip chauffant...). Mais les jeunes là encore se montrent conservateurs : 34% d'entre eux ne sont pas particulièrement partants pour adopter la contraception masculine.
Il y a encore du chemin à faire.