Le récit que livre Maÿlis est révoltant, et révélateur du regard oppressant qui pèse sur le corps de la femme, à tout instant. Auprès de Doctissimo, la jeune maman explique comment, alors qu'elle allait récupérer un colis en point relais, à Bordeaux, elle a dû donner le sein à son fils de 6 mois, Nino, qui "réclamait".
Après avoir tenté de le faire patienter dix minutes, en vain, elle s'installe pour le nourrir. "Je mets des vêtements adaptés, qui s'ouvrent sur les côtés, pour essayer vraiment de faire ça en toute discrétion, et là en plus, vu qu'il y avait du monde, j'ai caché avec ma veste", détaille-t-elle face caméra. En France, rien n'interdit l'allaitement en public. Mais ça n'a pas empêché une cliente de l'agresser violemment.
À peine la mise au sein, une dame intervient. Celle-ci "commence à hurler", lance "vous n'avez pas honte ?", insulte Maÿlis. "La nouvelle génération est là pour s'exhiber", crie-t-elle. "Vous êtes une maman, vous devez prévoir les repas de votre fils, vous auriez dû faire ça chez vous, ce n'est pas quelque chose qu'on fait comme ça en public". Avec la violence des mots, vient la violence physique. La femme s'approche, puis la frappe. "Je n'ai pas eu le temps de réaliser ce qu'il se passait, je me suis pris une gifle en pleine poire avec bébé dans les bras".
La jeune mère est sidérée. Autour, personne ne bouge. Sauf une autre femme, qui félicite l'agresseuse. "Le reste de la file a baissé la tête, a ignoré, et il ne s'est rien passé, personne ne m'a défendue", se souvient Maÿlis, effarée. "La seule réaction que j'ai eue ça a été de remettre mon fils en poussette, de ramasser mes lunettes de soleil qui du coup avaient volé par terre, de partir, de rentrer à la maison et de pleurer. J'aurais tellement aimé réagir, mais avec un bébé dans les bras vous voulez faire quoi ?".
L'une de ses amies, qui a assisté à l'altercation "en direct en visio", décide de témoigner sur un groupe Facebook de la ville. Là, beaucoup encouragent la victime à porter plainte. Seulement au poste de police, l'homme qui la reçoit renverse la situation. Il va jusqu'à lui demander quel "pourcentage" de sa poitrine était visible. "Il m'a gentiment fait comprendre que c'était aussi de ma faute, que je l'avais un peu cherché. T'imagines si t'étais venue déposer plainte pour viol, il t'aurait demandé aussi comment t'étais habillée ?" Probablement.
Elle analyse avec justesse : "l'allaitement pose encore tellement problème aujourd'hui, parce que la femme est tellement sexualisée de nos jours". Depuis l'agression, le petit Nino a "épongé" le stress de sa maman, et "s'est retrouvé bloqué à la nuque". "Ça rajoute à la culpabilité", déplore Maÿlis.
De son côté, la jeune femme n'a plus "une goutte de lait", elle qui prenait tant plaisir à donner le sein. La preuve s'il en fallait que cette sexualisation qu'elle mentionne, cette misogynie intériorisée et le tabou qui enferme l'allaitement - un acte naturel qui ne regarde personne d'autre que la mère et son bébé, doit-on le rappeler - entraîne des conséquences ravageuses.