Les stéréotypes ne sont pas seulement handicapants : ils sont également dangereux. La preuve avec cette nouvelle étude éloquente conduite par la Washington State University qui a interrogé 402 Américaines enceintes occupant des emplois physiquement exigeants (comme la manufacture, les services de santé ou encore la vente) sur une période de deux mois. Les conclusions de cette enquête se révèlent sans appel : environ 63% d'entre elles ont ressenti la peur des stéréotypes. Craignant d'être considérées comme "faibles", "incompétentes" ou "démobilisées", ces futures mères ont travaillé encore davantage, poussant leurs limites jusqu'au risque de blessures et d'accidents sur leur lieu de travail. En restant debout trop longtemps ou en portant des objets lourds par exemple, précise l'étude.
Écrasées par l'impitoyable pression sociale, les femmes enceintes iraient donc jusqu'à se mettre en danger pour ne pas avoir à subir le jugement négatif de leurs collègues et supérieur·e·s hiérarchiques. Pour la Dr Lindsey Lavaysse, l'une des autrices de l'étude, ces résultats démontrent la nécessité de reconnaître l'existence de ces stéréotypes (afin de les combattre).
"Les stéréotypes liés à la grossesse sont un facteur de stress silencieux. Il n'est pas toujours visible, mais il impacte réellement les femmes sur leur lieu de travail", précise la chercheuse. "La plupart des entreprises ont des politiques d'aménagement pour la grossesse, mais si la culture de cette entreprise suggère qu'il y aura des représailles ou que les employées seront regardées différemment, les femmes éviteront d'utiliser ces aménagements qui sont pourtant meilleurs pour leur santé et leur sécurité."
La preuve : les femmes interrogées qui ressentaient particulièrement cette stigmatisation ont enregistré trois fois plus d'accidents du travail à la fin des deux mois d'observation que les femmes moins soumises à ce stress.
En France, un sondage Odoxa pour la Fondation PremUp en 2015 avaient révélé que la grossesse au travail serait mal vécue par près de 70% des femmes. Toujours en prises avec la peur d'être "placardisée", de ne pas être augmentée ou mal considérée, le stress conduirait certaines femmes à dissimuler leur grossesse le plus longtemps possible : 17 % des femmes déclarent avoir attendu 4 à 6 mois pour annoncer leur grossesse à leur patron (21 % chez les 25-34 ans).