"Ce que l'on veut, c'est créer des QSR : des quartiers sans relous". Décochée dans les pages du journal 20 Minutes, la punchline de Marlène Schiappa n'a laissé personne indifférent. La ministre déléguée chargée de la Citoyenneté évoque sa nouvelle initiative : lancer prochainement un "baromètre du harcèlement de rue", afin de lutter contre des violences que le confinement exacerbe.
"Comme il y a moins de monde dans les rues en ce moment, ce harcèlement peut être plus menaçant encore, les femmes se retrouvent plus isolées et c'est là où cela devient le plus dangereux", détaille-t-elle. Difficile de la contredire sur ce point. Mais en quoi consisterait précisément ce fameux baromètre, dont le lancement est prévu pour le mois d'août prochain ? Etablir une cartographie des "zones rouges", c'est-à-dire des quartiers au sein desquels des situations de harcèlement de rue auraient été particulièrement observées.
Pour ce faire, une mesure chiffrée de ce "phénomène" accablant sera déployée, d'après les données du ministère de l'Intérieur, données par ailleurs étudiées auprès du directeur général de la police nationale (DGPN), du directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), de la haute fonctionnaire chargée de l'égalité des droits, Fadela Benrabia, du service statistique du ministère et de la préfecture de police de Paris, développe Marlène Shiappa.
Parmi ces données, les chiffres nationaux ayant trait aux verbalisations, aux plaintes enregistrées, aux observations des forces de l'ordre, mais également les observations des associations concernées par la problématique. "Ce que je veux, c'est éradiquer le harcèlement de rue. Pour atteindre cet objectif, nous devons en finir avec ces zones rouges où les femmes ne peuvent pas circuler librement", assure Marlène Schiappa.
Projet sensé... ou trop abstrait, voire absurde ? Bien des associations féministes pencheraient plutôt vers la seconde option. Sur les réseaux sociaux, nombreuses sont d'ailleurs les voix militantes à pointer les failles de ce baromètre qui ne ferait pas vraiment avancer le schmilblick.
"C'est un énième plan de comm' du gouvernement, sans rien derrière", fustige par exemple le collectif Osez le féminisme. "Le harcèlement 'de rue' n'existe pas en soi, c'est le harcèlement sexiste qui existe. Et les hommes harcèlent les femmes qu'ils soient dans la rue, en entreprise ou dans le bureau du maire de Tourcoing", développe encore l'association, pour qui délimiter des zones rouges ne ferait que cacher la poussière sous le tapis.
En plus de donner du grain à moudre à la fachosphère ? C'est ce que semble en tout cas redouter Agnès Volant, membre de l'association Stop harcèlement de rue. Interrogée par le magazine Néon, elle s'en inquiète ouvertement : "Le harcèlement n'est pas le fait de certains quartiers, d'une certaine culture, mis à part une culture machiste et sexiste. C'est encore une mauvaise analyse, qui peut donner du grain à moudre à des extrémistes qui veulent trouver une cause raciste dans le harcèlement de rue". Une crainte à ne pas éluder.
Cependant, Marlène Schiappa n'en démord pas. Et détaille encore à 20 Minutes la raison de sa détermination : "Le harcèlement est un phénomène qui n'est pas juste un petit désagrément, ça mine la vie des femmes. On ne peut pas dire aux femmes : 'Demandez des augmentations', 'Affirmez-vous', 'Ne vous autocensurez pas' quand, en parallèle, elles sont contraintes de rentrer les épaules pendant leurs trajets quotidiens dans les transports".
Des propos cohérents dans la forme. Mais dans les faits ?