Dans la bouche des influenceuses qui en font la pub, la promesse de l'Apetamin serait la suivante : obtenir la silhouette dite "en sablier" de Kim Kardashian ou de Cardi B. Le complément alimentaire, généralement présenté en sirop, garantirait à ses clientes de prendre du poids, mais pas n'importe où. Directement au niveau des fesses et de la poitrine, tout en gardant une taille fine. Le Graal pour des milliers de jeunes femmes qui ne rêvent que de ressembler à celles dont elles voient les corps à longueur de journée.
Mais ce commerce douteux n'a pas manqué de faire réagir la National Health Service, la Sécu britannique, qui épingle sans détour Instagram de ne pas agir suffisamment contre la promotion de ce produit sur sa plateforme.
"Au Royaume-Uni, la vente d'Apetamin est illégale", rappelle d'abord BBC Three dans un documentaire édifiant intitulé Dangerous Curves, et diffusé le 21 avril. Mais elle reste disponible "dans des magasins et sur Internet". Face à ce constat, l'institution publique a donc décidé d'agir, en publiant une lettre ouverte destinée à Adam Mosseri, directeur du géant numérique appartenant à Facebook, où elle se dit particulièrement préoccupée par la mise en avant du produit et son impact sur la santé physique et mentale des consommatrices.
Un texte qui appelle Instagram à prendre ses responsabilités et à agir concrètement. Car bien que ce dernier ait assuré que tous les comptes présentant favorablement le sirop avaient été bannis, il n'en serait "rien", à en croire la NHS. Il resterait même "des dizaines de comptes actifs" liés à ce commerce. Et les dégâts, eux, n'ont pas miraculeusement disparu non plus.
La liste des effets secondaires physiques de la substance problématique est vertigineuse. "D'une très forte fatigue aux nausées, jusqu'à des insuffisances hépatiques, voire des comas", rapporte Dazed dans un article repéré par Courrier International. Ou encore "des somnolences, des tremblements, de l'irritabilité, une vision troublée, [...] des diarrhées, de l'arthrite, des inflammations articulatoires, des inflammations du foie". Alarmant.
A la BBC, la Dre Victoria Garland, qui a participé au film, avertit : "Ce qui m'inquiète particulièrement avec l'Apetamin, c'est la façon dont il est commercialisé. Il est commercialisé comme un supplément vitaminique, ce qui implique qu'il est sûr, qu'il est naturel." Critique. Et au-delà d'affecter lourdement les corps de ses utilisatrices, il révèle également les conséquences nocives des réseaux sociaux sur leur bien-être psychologique et leur confiance en soi.
"[Ces plateformes] sont extrêmement toxiques", affirme ainsi la mannequin et présentatrice du documentaire de la BBC, Altou Mvuama. "Les filles de ma génération (elle a 19 ans, ndlr), elles sauraient de quoi je parle. Elles vous donnent l'impression que si vous [n'avez pas ce type de corps], vous n'êtes rien." Et d'ajouter : "J'ai l'impression qu'il y a plein d'autres mannequins - et filles - qui pensent qu'elles doivent se changer à cause de ce qu'elles voient en ligne."
Il y a deux ans, Vanessa, 23 ans, était l'une d'elles. "Avant, j'étais heureuse de mon corps, mais les réseaux sociaux ont modifié ma façon de penser", raconte-t-elle au journal britannique. "J'ai développé des insécurités dont j'ignorais l'existence". Elle prévient : "lorsque vous prenez de l'Apetamin, vous ne pouvez pas contrôler le poids que vous prenez. Il ne va pas aux bons endroits, juste directement dans le ventre. J'étais également très ballonnée et fatiguée."
Si selon la jeune femme, la suppression des comptes qui vendent de l'Apetamin aidera, elle estime toutefois que cette avancée ne résoudra pas entièrement le problème.
"Beaucoup de gens sont aveugles à la pression qui vous pousse à faire des choses que vous ne devriez pas faire. Les gens font des commentaires injurieux et vous culpabilisent. Ils disent que vous n'êtes pas assez bien et qu'une silhouette galbée est celle qui est souhaitée. C'est une folie que des femmes et des filles comme moi soient prêtes à prendre un tel risque, mais les pressions doivent être fortes pour que nous pensions que cela en vaut la peine." Et à ce titre, la route pour y remédier semble encore longue.