Un « crime contre l'humanité ». C'est aussi que les associations de défense des droits des femmes qualifient le projet de loi « Al-Jaafari » qui a été présenté ce mardi 15 avril aux 325 députés qui constituent le parlement irakien. Élaboré par le ministre de la Justice et défendu par le Premier ministre Nouri al-Maliki, ce projet de loi rétrograde a aussi le soutien du parti chiite Fadila, dont font partie les deux hommes.
Pourtant, son contenu a de quoi faire bondir la communauté internationale, puisqu'il prévoit de légaliser le divorce - et donc le mariage - des enfants de moins de neuf ans. Il y est aussi écrit noir sur blanc que les femmes doivent obéir aux exigences sexuelles de leur mari, rendant de facto légal de viol conjugal. Entre autres dispositions, le projet de loi Al-Jaafari prévoit également d'autoriser la polygamie et de doter les hommes d'un droit de tutelle sur leur femme. Enfin, en cas de divorce, la garde des enfants de plus de deux ans serait systématiquement accordée aux pères.
Approuvé en Conseil des ministres début mars, ce projet de loi liberticide et profondément misogyne fait partie de la stratégie du Premier ministre Nouri Al-Ma pour s'attirer les voix de la majorité chiite du pays lors des élections législatives, qui se dérouleront le 30 avril prochain. Il suscite cependant de vives réactions au sein de la classe politique irakienne et même du parti chiite de Fadila et a déclenché la fronde des associations de défense des droits des femmes et des enfants.
Le 8 mars, à l'occasion de la Journée de la femme, féministes et défenseurs des Droits de l'homme se sont rassemblés à Bagdad pour protester contre le projet Al-Jaafari. « C'est dégoûtant. Quand, au nom de la loi, vous pouvez épouser une fille de moins de neuf ans ou quand vous empêchez une femme de choisir son compagnon, c'est un crime contre l'humanité », explique au micro d'Europe 1 la présidente de l'association Al-Amal (l'espoir), avant de souligner que le projet de loi « va à l'encontre des engagements de l'Irak à respecter les conventions internationales des Droits de l'homme ».
Du côté des députés aussi, la colère gronde. Interrogée par The Guardian, Safia al-Suhail, l'une des 82 femmes députées au parlement, estime que la loi « constitue une humiliation pour les femmes et pour les Irakiens en général. C'est un désastre pas seulement pour les femmes mais aussi pour les enfants. [...] Cela prouve que nous revenons en arrière. »
De son côté, Human Rights Watch a engagé une procédure pour forcer le parlement irakien à abandonner le projet de loi. Ce dernier, toutefois, a peu de chance d'être adopté, puisqu'il divise jusqu'au sein du camp chiite. Le représentant du culte chiite Ali al-Sistani a d'ailleurs fait savoir qu'il y était opposé, le texte allant à l'encontre du droit irakien et de la doctrine religieuse. Reste qu'onze ans après l'invasion de l'Irak par la coalition occidentale et la chute du régime de Saddam Hussein, les droits des femmes ont largement reculé dans le pays. Cité par Lesinrocks.com, l'envoyée spéciale de CNN Zainab Salbi explique : « Les États-Unis sont entrés en Irak en 2003 avec beaucoup de promesses, mais les droits des femmes n'étaient même pas présents sur leur écran-radar. Dix ans plus tard, les femmes irakiennes se retrouvent sujettes d'une histoire qui n'a pas de fin heureuse. »