"Viols et agressions sexuelles sur mineur de plus de 15 ans" et "corruption de mineur", voilà les chefs d'accusation qui pèsent sur Jean-Luc Lahaye, incarcéré depuis novembre 2021. Un scandale écoeurant auquel s'ajoute la complicité de sa fille, qui aurait tenté d'acheter le silence des victimes supposées, et la complicité de leurs mères à elles, qui auraient forcé les adolescentes à avoir des rapports sexuels avec l'artiste dont elles étaient fans, entre 2013 et 2018.
A l'époque, les jeunes filles "avaient alors 46 et 48 ans d'écart avec l'artiste, bien que majeures sexuellement", soulignait Le Parisien le 18 novembre dernier. Aujourd'hui, c'est une ancienne victime du chanteur qui décide de s'exprimer dans les colonnes du quotidien. Renommée Nadia par la rédaction pour des raisons d'anonymat, elle raconte comment elle a eu "le malheur" de croiser sa route il y a presque 20 ans.
Dans un entretien paru le 19 décembre, Nadia explique au journal qu'au moment des faits, elle avait 14 ans, "enchainait les fugues et passait son temps en boite de nuit". Notamment au Studio 287, près de la porte d'Aubervilliers, dans le 19e arrondissement de Paris. C'est là où elle a rencontré Jean-Luc Lahaye, propriétaire du lieu. Le soir du 31 décembre 2002, celui qu'elle décrit comme un "prédateur" la repère. "Il m'offre du champagne, explique qu'il est le patron", se souvient-elle. "Il me propose de visiter les coulisses de la boîte... À 14 ans, c'est idiot, mais on veut jouer les grandes, donc j'accepte."
Nadia affirme alors avoir été contrainte à un rapport sexuel non consenti, qu'elle mettra des années à appeler "viol". Elle se souvient s'être "débattue quand il a voulu [l]'attraper" et poursuit : "mais j'étais totalement démunie". L'adolescente finit par croire que c'est elle, la coupable : "Je me dis même que c'est de ma faute, que je n'aurais pas dû le suivre...".
C'est deux ans plus tard, en 2004, qu'elle porte plainte sur les conseils de son compagnon. Seulement au commissariat comme au tribunal, l'accueil est déplorable. "Les policiers de la brigade des mineurs ont été très violents, m'ont dit des mots vulgaires, m'ont demandé si je faisais la pute", livre Nadia. Lors de l'audience, le juge condamne Jean-Luc Lahaye pour "corruption de mineure aggravée" en 2007 et non pour "viol". Le coupable paye une amende de 10 000 euros et ressort libre du tribunal.
"Quand il a pu sortir libre, j'ai mis les mots sur ce que j'avais vécu. J'ai compris que j'avais été violée et que la justice venait de lui mettre une petite tape sur les doigts", poursuit Nadia. Pour autant, "ce qu'il m'a fait ne semble avoir eu aucun impact sur lui", constate-t-elle. "On aurait dû l'oublier, le jeter à la poubelle, mais il a continué de passer à la radio, il a fait des films... À ce moment-là, ça me rend dingue, ce n'est pas juste."
Et de lâcher : "Après deux heures au tribunal, il a repris sa carrière alors qu'il avait broyé ma vie, que j'étais au fond du gouffre. (...) La justice a reconnu que j'avais subi des pratiques sexuelles traumatisantes... Ce n'est pas un viol ça ?" Un cri glaçant, et une réalité loin d'être isolée.
Aujourd'hui, Nadia regrette d'autant plus le verdict des magistrats que "s'ils [l']avaient prise au sérieux, ils auraient pu éviter cette nouvelle affaire." En guise de conclusion, elle prévient : "J'espère qu'on saura croire ces filles. Lahaye va dire qu'elles étaient consentantes, il va les dénigrer, les faire passer pour des filles faciles... Ce sont des gamines, il faut les soutenir car il y aura forcément des moments difficiles." Ce qu'elle s'estime capable de faire, en témoignant.