Quand elle était petite fille, Mara Wilson était ce que l'on appelle une "enfant star". À l'image de Macaulay Culkin ou des jumelles Olsen, elle a débuté très tôt sous les caméras, où on lui confie des rôles de gamine rigolote et débrouillarde. Révélée à l'âge de 6 dans Madame Doubtfire, où elle joue la fille de Robin Wilson, elle enchaîne ensuite les films qui font d'elle une vraie star : Miracle sur la 34e Rue et surtout Matilda de Danny DeVito, dans lequel elle tient le premier rôle.
À l'âge où les autres fillettes jouaient à la poupée et rigolaient dans la cour de récré avec leurs copines, Mara Wilson elle, était déjà considérée comme une adulte, assistant aux avant-premières de ses films et participant à des séances photos. Pourtant, elle n'était encore qu'une enfant, dont l'innocence et l'immaturité n'ont pas été préservés par le milieu du cinéma dans lequel elle évoluait.
Aujourd'hui, Mara Wilson a 30 ans. Elle a depuis longtemps quitté les plateaux de tournage, mais continue de faire entendre sa voix singulière dans les médias et les réseaux sociaux afin de défendre des causes qui lui tiennent à coeur.
C'est ce qu'elle a fait mardi 14 novembre. Dans une tribune publiée sur le site américain du magazine ELLE, l'ex-enfant star a pris la plume pour dénoncer avec virulence la sexualisation et l'objectivation des adolescent.e.s qui, comme elle autrefois, sont sous le feu des projecteurs. Mara Wilson sait de quoi elle parle. Elle raconte qu'elle-même a été l'objet de fantasmes et de commentaires douteux proférés par des hommes adultes.
"Il s'appelait Don, ou peut-être Doug. C'était un homme adulte, que je n'avais jamais rencontré, et il voulait que je réponde à sa lettre de fan. Son écriture était difficile à lire, mais je pouvais distinguer juste assez : 'J'aime tes jambes'.", écrit Mara Wilson, qui avait alors 15 ans. "Et tandis que la lettre de Don-ou-Doug me donnait un sentiment de malaise au creux de mon estomac, cela ne m'a pas choquée, poursuit la jeune femme. Avant même que je sois sorti du collège, j'étais présente sur des sites de fétichisme des pieds, photoshoppée dans du porno infantile, et j'avais reçu toutes sortes de lettres et messages en ligne des hommes adultes. À chaque avant-première et remise des prix, je voyais des hommes étranges tenant des photos de moi qu'ils avaient imprimées, espérant que je signerais, et j'espérais qu'ils allaient les vendre quelque part et ne pas les garder."
Mara Wilson explique que son malaise s'est encore accentué lorsqu'elle a atteint le stade de la puberté. "Il était devenu normal que des étrangers discutent de mon corps. Chaque fois que je tombais sur un article à propos de moi, toutes les craintes que j'avais sur mon corps pubère étaient confirmées: j'étais 'laide', ce qui, en tant que femme, me rendait inutile ou 'mignonne', ce qui faisait de moi un objet. J'étais 'adulte', ce qui me rendait vulnérable. Parce que j'étais une enfant actrice, mon corps était du domaine public", analyse Mara Wilson, qui regrette que ce qui lui est arrivée lorsqu'elle était adolescente se reproduise aujourd'hui avec d'autres actrices.
Dans sa tribune, la jeune femme évoque le cas emblématique de Millie Bobby Brown, qui joue Eleven dans la série Stranger Things. Âgé de 13 ans, la comédienne n'est encore qu'une enfant, ce que semblent oublier bon nombre de médias et d'internautes, ravis de la voir poser comme une mannequin lors de shootings mode. Mara Wilson s'émeut du traitement médiatique de la jeune actrice, traitée comme une adulte. Elle revient notamment sur le tweet d'un anonyme qui affirme que "Millie Bobby Brown vient de devenir une adulte sous nos yeux".
"Une fille de 13 ans n'a pas du tout grandi", s'insurge Mara Wilson, qui rappelle qu'il a existé des "médias qui affichaient des comptes à rebours" jusqu'à la majorité d'Emma Watson ou de Mary-Kate et Ashley Olsen. "Ces adultes fétichisent l'innocence et la perte de l'innocence encore plus. Ils savent ce qu'ils vendent."
"Ce qui est vraiment en jeu ici, c'est l'inclination publique effrayante et inappropriée à sexualiser les jeunes filles dans les médias. Nous n'avons pas besoin de perpétuer la culture de déshumanisation qu'Hollywood a permise. Mais les médias se sont démocratisés ; les médias sociaux et le contenu généré par les utilisateurs signifient que n'importe qui peut écrire sur n'importe qui, et il y a de bonnes chances que n'importe qui le verra. Nous faisons tous partie des médias, mais je ne sais pas si nous avons déjà réalisé cela, ni compris quelle énorme responsabilité cela représente", met en garde Mara Wilson. Pour elle, il est évident que les médias sont responsables, par la façon dont ils les traitent, de l'objectivation des enfants stars. "Ce ne sont pas seulement les prédateurs qui m'ont blessée. Nous - le public, les médias - sommes tous adultes. Nous avons juste besoin d'agir comme ça", conclut la jeune femme.