Faut-il interdire l'écriture inclusive ?
Oui, semble répondre le Sénat, qui vient d'adopter en commission une proposition de loi ce sens. Et ce à travers un texte défendu par la sénatrice LR Pascale Gruny. L'idée est plus précisément "d'étendre les restrictions déjà mises en place ces dernières années par les pouvoirs publics" concernant cette écriture, laquelle serait à déconseiller fortement "pour des raisons d'intelligibilité et de clarté de la norme".
L'écriture inclusive, c'est un débat houleux. Nombreuses sont les militantes féministes à défendre son usage, au sein d'une langue, la nôtre, où le masculin, considéré comme la forme neutre naturelle, l'emporte trop souvent.
Les débats sur l'écriture inclusive et l'usage du point médian rejoignent ceux sur la féminisation de la langue. Entre les lignes, les origines et l'évolution de cette dernière en disent long sur les relations de pouvoir et d'autorité "académique" qu'elle condense forcément de par son histoire. S'il y a bien une chose que l'écriture inclusive démontre, c'est que notre langue est politique. Toujours.
Mais le Sénat semble en tout cas l'avoir dans le collimateur.
Selon cette proposition de loi, comme l'indique le site de Public Sénat, l'écriture inclusive doit être restreinte tout simplement car "elle n'est pas compatible avec la 'neutralité' d'opinion attendue dans certains contextes". Mais la langue est-elle jamais neutre ? La manière dont on la décline l'est-elle ?
La commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat semble en tout cas ne pas considérer l'écriture inclusive comme "un moyen de faire progresser l'égalité femme-homme", observe Public Sénat. La proposition de loi votée pourrait par ailleurs rendre irrecevables les documents administratifs qui en témoignent. D'aucuns parmi ces voix jugent l'écriture inclusive trop confuse, instable, trop "déstructurée" (ou déconstruite ?)...
Au moins, on échappe au mot "woke".
L'emploi de ces mots laisse à penser qu'il y aurait d'un côté une langue sacrée, académique, figée, nette pour tout le monde, qui une fois bousculée serait, en dehors des "normes", incompréhensible, trouble. Une vision très idéologique finalement que des militants, féministes et/ou linguistes, ont toujours considérés comme trop simpliste et schématique dans l'absolu. C'est par exemple le cas de la professeure Eliane Viennot. A raison ?
Parmi les défenseurs de l'écriture inclusive, on trouve également Raphaël Haddad, fondateur de l'agence Mots-Clés, interviewé dans nos pages en 2021. A relire alors que certains semblent entrer en croisade.
Notre interlocuteur nous expliquait dès lors :
"L'écriture inclusive est un levier efficace pour faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes en changeant notre manière d'écrire".
"L'écriture inclusive, qui ne se résume pas au point milieu [ou point médian, ndlr], vient déconstruire tous les mécanismes du sexisme ordinaire, qui dilue les effets des lois et des réglementations".
"Il faut défendre l'écriture inclusive parce que l'écriture est engageante, c'est aussi une manière de donner de la force au sein d'une organisation à celles et ceux qui travaillent pour faire progresser l'égalité. Enfin, c'est un formidable levier de féminisation et de rajeunissement des audiences".
"Il existe déjà de nombreux contenus gratuits en ligne, dont notre Manuel d'écriture inclusive. Il faut rappeler qu'il n'existe pas de "règles" d'écriture inclusive, mais des "conventions". Elle mobilise toutes les ressources du français pour re-féminiser ou démasculiniser nos usages".