La trentaine, une conscience féministe qui ne date pas d'hier et une délicieuse autodérision. Voilà qui caractérise bien Laura Domenge, humoriste, comédienne, autrice et chroniqueuse.
Des métiers qu'elle exerce avec talent, que ce soit dans des micro-trottoirs où elle n'hésite pas à interpeller les passants pour parler grossesse et contraception, ou dans son One Woman Show PasSages, véritable carton qui l'a propulsée sur les planches parisiennes.
Également chroniqueuse pour l'émission Les 30 glorieuses de Radio Nova et depuis peu pour le média d'empowerment féminin Wondher avec son programme Allô la vie, Laura Domenge fait partie de cette nouvelle génération d'humoristes fervemment engagé·es pour la cause des femmes.
Sa dernière pépite en date : Le Sexisme expliqué à ma belle-mère, livre à paraître le 14 février aux Éditions First. Dans cet ouvrage hilarant, documenté et plein de second degré, l'humoriste-autrice ridiculise en 20 leçons les clichés genrés et attitudes misogynes qui entachent notre société.
L'idée d'écrire un guide anti-sexiste traverse l'esprit de Laura Domenge fin 2017, peu de temps avant la publication de la très controversée tribune "Liberté d'importuner", sorte de manifeste anti-#MeToo signé par plusieurs personnalités françaises, dont Catherine Deneuve. "Quand j'ai vu ça je me suis dit : 'OK, y'a vraiment un travail à faire", nous explique Laura Domenge.
Sa cible ? Les femmes qui ont l'âge d'être sa belle-mère (Catherine Deneuve par exemple). Elle précise : "Je ne parle pas de ma vraie belle-mère, qui est loin d'incarner la femme que je décris dans mon livre. L'inspiration m'est plutôt venue en écoutant plusieurs femmes de sa génération. J'ai entendu des choses comme : 'Oh, il y a violer et puis il y a mettre une main aux fesses !' Euh... Pardon ??? Ce sont des femmes qui se sont battues pour l'avortement dans les années 60, et qui en sont là aujourd'hui. On est revenues 25 000 années en arrière, c'est pas possible !"
Il a fallu un peu plus de 200 pages à l'autrice pour revisiter et dézinguer les clichés les plus grotesques, mais aussi les plus ancrés dans nos moeurs. Offrir des objets roses ou bleus en fonction du sexe de l'enfant, affirmer que seuls les hommes aiment les alcools forts...
Ou encore, dire à un petit garçon qui veut devenir danseur qu'il s'engage inévitablement dans une "carrière de fille" ou à une petite fille qu'être pompière, ce n'est pas possible, car pour ça il faut "être fort" (traduction : être un homme).
Le livre aborde aussi des sujets plus graves : violences conjugales, harcèlement sexuel, mouvement #MeToo...
Chaque fin de chapitre est ponctuée d'une fiche pratique s'appuyant sur des chiffres ou des anecdotes marquantes (femmes invisibilisées, dates historiques en matière d'avancée des droits des femmes.) Et pour notre plus grand plaisir, le livre fait la part belle à l'écriture inclusive.
Cette réforme grammaticale qui milite pour plus de féminité dans la langue française et que certain·es qualifient "d'inutile" s'avère pourtant hautement symbolique et absolument nécessaire, comme l'explique parfaitement Éliane Viennot dans son ouvrage Le langage inclusif, pourquoi comment.
Dans la vie, Laura Domenge n'est guère différente. Quand elle nous parle des sujets de son livre, elle nous décoche- entre deux diatribes sur la misogynie, le sexisme et tous ces trucs qui la rendent "complètement guedin"- une délicieuse punchline qui ne manque pas de nous faire rire. À l'image de son bouquin, donc.
Elle n'a pas la télé, est végétarienne, possède quatre poubelles de tri et se déplace à vélo. Le portrait-type de la bobo parisienne ? Plutôt celui d'une femme engagée, dans l'air de son temps. Engagements qu'elle assume autant que son militantisme pour les droits des femmes même si, pour elle, cela passe toujours mieux avec une bonne dose d'humour.
"C'est difficile de rester calme et de faire de l'humour quand on est féministe : c'est tellement révoltant de voir qu'il y a encore autant d'inégalités. Certaines personnes n'aiment pas en entendre parler, ça les emmerde. Mais il faut les entraîner, arriver à les sensibiliser, tout en les faisant rire. C'est un défi qui vaut le coup d'être relevé."
L'égalité femmes-hommes n'est pas la seule cause chère à Laura Domenge. En 2016, elle a cofondé l'association Le Recho, un restaurant solidaire qui propose aux réfugié·es et aux locaux·ales de se rencontrer et de tisser des liens par le biais de la cuisine.
"L'idée, c'est de cuisiner tous·tes ensemble : tout le monde est bienvenu. Ce qui est bien, c'est que la cuisine n'a pas de langue. Pas besoin de communiquer verbalement pour couper des tomates ! Se rencontrer et échanger des pratiques culinaires et culturelles issues de nos traditions respectives, voilà nos principaux objectifs. L'expérience est géniale", nous confie-t-elle.
Merci fallait pas, le sexisme expliqué à ma belle-mère, Laura Domenge
Parution le 14 février aux Éditions First, 9,95 euros