Dans les classes de Living School, on ne va pas au coin quand on a volé la gomme du voisin : on fait un exercice de respiration et on calme son crocodile –comprenez sa colère-, seul, au calme, ou en déversant sa rage sur un punching-ball. Caroline Sost, ex-responsable RH dans un grand groupe, s’est reconvertie en 2007, pour monter un projet qui lui ressemble. C’est un master pour le développement du leadership éthique qui lui a mis la puce à l’oreille. « Cette formation s’adresse aux cadres dirigeants qui veulent combiner performance et sens, épanouissement et responsabilité », explique Caroline Sost. Une prise de conscience globale s’opère en elle, sur l’état de la société, des entreprises, du monde. Elle y découvre aussi la psychologie d’évolution et le concept de savoir être : « cette discipline nous enseigne que nos qualités, nos défauts, nos croyances et notre personnalité ont un impact sur nos savoir-faires ». Concrètement, tout comme un manager mal dans sa peau peine à insuffler de l’énergie à son équipe, un prof qui n’a pas confiance en lui ne peut pas aider un enfant à s’épanouir. Tout se tient. Elle décide de s’investir dans un projet éducatif.
Les notes remplacées par l’auto-évaluation
Après avoir fait le tour des méthodes pédagogiques et des écoles alternatives, Caroline Sost ne trouve pas le concept qui la botte. Qu’à cela ne tienne, elle décide de monter sa propre école. Objectif : mettre en place un programme épanouissant pour donner confiance à chaque enfant. L’envie d’apprendre et de créer doit découler naturellement de cette émulation. « Chaque enfant a un énorme potentiel créatif, on ne part pas des lacunes, mais des réussites », explique la fondatrice de l’école. En effet, le système de notes est aboli, on progresse par ceintures de couleur : l'enfant quand il se sent prêt peut décider de passer sa ceinture bleue dans une matière, il va alors s'auto-évaluer. S'il réussit, il se met à découvrir les compétences suivantes pour passer la ceinture suivante. S'il échoue, il revoit les points bloquants et peut repasser sa ceinture à tout moment. « Nous sommes contre les notes qui créent de la compétition et un rapport tordu à la connaissance », justifie Caroline Sost. Ici, on fête plutôt les succès dans un « cahier de réussites » ; une éthique qui va dans le sens de bon nombre de recommandations récentes pour une réforme de l’école. Plus d’encouragements, moins de sanctions. Ce credo ambitieux et idyllique émane de l’expérience personnelle de Caroline Sost : « je pense qu’il faut reprendre notre système scolaire à la base. Les standards où j’ai étudié, prépas et grandes écoles, m’ont appris à être une bonne exécutante, à obéir à mes boss, mais pas du tout à être créative et à répondre aux enjeux relationnels et humains de cette société ».
Séance de défoulement pour un élève de Living School
150 écoles en 20 ans
Confiance en soi, esprit critique, gestion de sa relation aux autres, mais aussi écocitoyenneté et anglais, font partie intégrante du programme de l’école élémentaire Living School. « Les enfants apprennent à analyser leurs émotions et leur agressivité, ils sont plus matures et capables de dire ce qu’ils ressentent », au point parfois de canaliser leurs professeurs emportés par leur « crocodile »… Ceux-ci reçoivent d’ailleurs, en plus de la formation classique, une formation « savoir être et éducation », destinée à s’étendre au plus grand nombre, pour diffuser la bonne parole. Seul point noir, Living School est agrémentée par l’Etat mais ne dispose pas encore du contrat qui lui permettrait de se décharger d’une partie des salaires. Réservée, donc, aux familles CSP+, mais plus pour longtemps, promet Caroline Sost, qui projette d’ouvrir 150 Living School en 20 ans. Une « masse critique nécessaire » pour faire bouger la société.
Vidéo de présentation Living School
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