Tout est parti d'un live Instagram. L'espace d'une vidéo diffusée en direct et abondamment visionnée, Angèle Salentino a accusé les responsables de l'émission de téléréalité dont elle fut l'une des participantes, Les Anges, et plus précisément sa variante Les vacances des Anges, d'inciter au harcèlement de ses candidates.
La jeune femme de 26 ans explique : "La production a mis en place un système d'acharnement psychologique depuis des années. Ils se planquent derrière des candidats sadiques, mais c'est trop facile. Il faut que vous compreniez que cette émission favorise l'acharnement. Tant que vous allez regarder Les Anges, il y aura une personne qui va subir un harcèlement. Il faut que ça s'arrête. Si vous voulez faire comprendre à la chaîne que ce n'est pas ce que vous souhaitez, il faut que leurs audiences chutent. N'attendez pas mon départ !".
Un discours directement destiné à la large audience du giga succès de la chaîne NRJ 12. Et qui n'a pas été sans réactions. Sur les réseaux sociaux, les hashtags #BoycottLesAnges et #BoycottNRJ12 ont facilement grimpé en Top Tendances. "Vos scènes d'acharnement que vous avez mises en place pour les autres, je ne veux plus y participer", ajoute encore Angèle Salentino à l'adresse des producteurs, comme le rapporte CNews.
La candidate persiste et signe : elle ne souhaite même plus apparaître dans les épisodes de l'émission.
Assisterait-on dès lors à une véritable révolution de la parole au sein du milieu très fermé de la téléréalité, scène à la fois ultra-médiatisée et hermétique à toute éventuelle évolution (féministe) ? C'est ce que suggère Valérie Rey-Robert. L'autrice de l'essai Une culture du viol à la française voit en cet appel au boycott "un séisme" culturel. Pour une fois, les mots des candidates, c'est-à-dire des principales concernées, se posent sur une réalité accablante et la dénoncent.
A savoir ? Le système d'une émission à succès banalisant "le harcèlement des candidates (uniquement des femmes) par d'autres : injures misogynes, isolement, remise en cause de la parole, parole interrompue, coups ou simulacres de coups", détaille-t-elle, ajoutant qu'au vu du fonctionnement très "buzzesque" d'un tel programme, "il est souvent difficile de faire la part des choses entre clash (souvent organisés) et harcèlement". Une forte dimension scénarisée qui contribue à normaliser le harcèlement et le sexisme le plus virulent.
Mais aujourd'hui, Angèle Salentino rappelle que, non, ce n'est "(pas) que de la télé", pour détourner l'adage de Cyril Hanouna. Et que le harcèlement n'a rien d'un divertissement. A ses côtés, d'autres candidates fustigent à l'unisson ces mécanismes insidieux : "J'ai l'impression que c'est la signature des Anges, le harcèlement. Tout est mis en place pour qu'il y ait une personne qui subisse des acharnements. La production veut qu'il y ait un acharnement parce que ça fait réagir. Et c'est hyper malsain. J'ai fait plein de burn-out et c'est pour ça que j'ai voulu arrêter les tournages. Je ne faisais que des dépressions", explique en ce sens l'une des candidates des Vacances des Anges, Rawell.
Elle aussi, comme des milliers d'internautes, partage volontiers cet hashtag : #BoycottLesAnges. Doit-on s'attendre à un #MeToo de la télé réalité française ? Valérie Rey Robert est moins optimiste à ce sujet. "Ce sera compliqué car la télé réalité c'est vraiment les années 50 en terme de sexisme. Toutes ces productions fonctionnent sur le chinage des femmes par les hommes ; ceux ci insistent, insistent et forcent, devant les caméras jusqu'à ce qu'elles cèdent avec le fameux 'si tu cèdes tu es une pute, si tu ne cèdes pas, je me tire'", déplore l'autrice.
L'expression d'une culture du viol certaine, dénoncée depuis des années par d'accablants rapports de l'audiovisuel. Et d'un sexisme aussi décomplexé que pernicieux qui, du traitement médiatique de Loana aux Anges actuels, n'a fait que s'exacerber en deux décennies de télé. A défaut d'être zappé.