Privées de compétitions sportives masculines depuis la chute du Chah en 1979, entre autres parce que s'y profèrent des jurons, les femmes iraniennes pourront prochainement assister à certains matchs. Telle est l'annonce faite, samedi 4 avril, par le vice-ministre des Sports de la République islamique, Abdolhamid Ahmadi. Selon l'agence de presse iranienne officielle, IRNA, le conseil de sécurité de l'Iran a approuvé un plan du ministère des Sports pour permettre, dès cette année, aux femmes et aux familles d'assister à certains événements sportifs. Une levée néanmoins partielle puisque, selon Abdolhamid Ahmadi, "certains domaines sportifs n'intéressent pas les familles et elles n'auront pas la possibilité d'y assister".
Cet assouplissement de la législation n'est sans doute pas étranger aux propos tenus, le mois dernier, par le président de la FIFA, Sepp Blatter qui avait pressé le régime de Téhéran de mettre fin à cette "intolérable" interdiction. Une discrimination qui a été décisive dans le récent choix fait par les instances dirigeantes du football d'attribuer la Coupe d'Asie des nations 2019 aux Emirats arabes unis plutôt qu'à l'Iran. Au début de l'année, les joueurs de la sélection iranienne avaient d'ailleurs, au nom de cette loi aberrante, été interdits de prendre des selfies avec les supportrices venues assister, en Australie, à la Coupe d'Asie des nations. En cause, la tenue des fans jugée "contraire aux bonnes moeurs" par Téhéran.
Peu avant l'annonce d'Abdolhamid Ahmadi, le ministre des Affaires étrangères britannique a annoncé, jeudi 2 avril, la grâce accordée par la Cour d'appel iranienne à Ghoncheh Ghavami. Cette jeune irano-britannique de 25 ans, au coeur d'une brouille diplomatique entre Londres et Téhéran, avait été condamnée au mois de novembre à un an de prison pour "propagande contre le régime". Son "crime" ? Avoir voulu assister, en juin 2014, à un match de volley-ball masculin à Téhéran. Placée en détention dans la prison d'Evine, située au nord de la capitale iranienne, elle avait été remise en liberté conditionnelle sous caution après son jugement.
Les femmes iraniennes n'ont toutefois pas attendu les déclarations du vice-ministre des Sports pour braver l'interdit. Ferventes supportrices, elles n'hésitent pas à user de tous les subterfuges pour vivre leur passion, comme en atteste le documentaire Hors Jeu. Ours d'argent du Festival de Berlin en 2006. Ce film du réalisateur iranien Jafar Panahi relate, au nez et à la barbe de la censure, l'histoire de plusieurs comédiennes travesties en hommes et leurs mésaventures pour aller assister à la qualification de l'Iran pour la Coupe du monde, face à l'Emirat de Bahreïn, au grand stade de Téhéran.
Reste à savoir si cette assouplissement affichée par le régime sera suivi dans les faits. En effet, en avril 2006, le président iranien de l'époque, Mahmoud Ahmadinejad, avait décidé d'autoriser les femmes à venir assister à un match de football. Une démarche qui avait finalement tourné au fiasco, comme le rappelle Le Monde : " évoquant les risques du "mélange corrompu entre les deux sexes", Ali Khamenei, guide religieux du régime, déclara le projet caduc et le décret fut abandonné".