Sexo
Les hommes ont-ils honte d'utiliser des sex-toys ?
Publié le 6 janvier 2016 à 12:11
Par Sophie Bramly
On le sait peu, mais ce sont les hommes qui sont les plus gros consommateurs de sex-toys. Comment expliquer ce tabou ?
Les hommes sont les plus gros consommateurs de sex-toys Les hommes sont les plus gros consommateurs de sex-toys© Getty Images
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Cela paraît paradoxal, mais les plus gros consommateurs de sex-toys sont les hommes. Pourtant, c'est un sujet tabou pour eux comme pour les médias. Bien que 70% des achats soient faits par eux, on ne parle que de l'usage grandissant qu'en font les femmes, passant sous silence les usages de la grande majorité des utilisateurs.

Deux points prévalent.

Tout d'abord, alors que l'histoire des sex-toys pour femmes est complexe (d'abord vendus à la fin du XIXe siècle pour "soigner l'hystérie", puis passés sous silence lorsqu'il est devenu clair qu'ils servaient à obtenir un orgasme, ils sont réapparus publiquement avec la série "Sex and the City", mais ont toujours un peu de mal à s'affranchir de l'image négative d'objet masturbatoire pour celles qui n'ont pas de partenaires), celle des sex-toys pour hommes est beaucoup plus linéaire.

Elle a commencé bien plus tardivement. Si les godemichés remontent à la préhistoire, les premiers sex-toys pour hommes - des anneaux péniens - datent du XIIIe siècle, mais se sont surtout popularisés en Europe au XVIIe siècle. Puis, c'est le scandale du premier livre du Marquis de Sade, Justine ou les malheurs de la vertu, publié en 1791, qui a fait la notoriété des objets sexuels en tous genres.

Le premier sex-shop date ne date que de 1962. Il a été créé par une femme pour des hommes en Allemagne, mais dès le début des années 70, il y en avait dans toutes les grandes villes françaises et notamment à Paris, à Pigalle et rue St-Denis. Ils ont tout de suite été plongés dans l'opprobre et les hommes ont pris l'habitude d'y aller en rasant les murs, de même que les vendeurs ont avant dû respecter la volonté d'anonymat. C'est cette même préoccupation d'anonymat qui se retrouve aujourd'hui sur Internet. Et comme les médias ne sont pas aux mains des femmes, le sujet est tout simplement occulté.

Ensuite, si les hommes ont acheté beaucoup de poupées gonflables et autres objets servant à leurs masturbations, ils ont aussi acheté des objets au bénéfice du couple, soit pour améliorer leurs érections, soit pour jouer à deux, y compris avec des vibromasseurs (et déjà en 1921, la première publicité pour sex-toys féminins, dans le magazine américain Hearts, s'adressait aux hommes, leur recommandant d'acheter à leurs femmes un vibromasseur pour Noël). C'est peut-être ce qui explique qu'aujourd'hui encore l'essentiel des achats passe par les hommes, plus curieux ou plus à l'aise que les femmes dans l'idée d'inclure des jouets dans leurs rapports sexuels pour en conserver la dimension ludique.

Sans qu'on en parle, donc, ils achètent des "flesh lights" (sorte de canette de soda remplie de silicone avec généralement la forme d'une vulve ou d'un anus sur le dessus dans lesquels ils insèrent leur verge pour se masturber et dont les sensations sont paraît-il inouïes), des oeufs (pour le même usage), des plugs anaux (pour la prostate ou non) ou des développeurs (pour gorger le pénis de sang et aider ainsi l'érection). Il faudrait qu'une étude poussée de leurs achats puissent faire la part de ceux qui sont achetés pour un usage hétérosexuel et de ceux qui servent aux rapports homosexuels. Une étude anglaise publiée par le magazine Dazed & Confused montre que chez nos voisins, 66% des achats faits par les hommes sont pour un usage homo, contre 44% pour les hétéros. Ces chiffres, déclaratifs, montrent aussi que les homosexuels sont plus à l'aise pour en parler que les hétéros. C'est peut-être aussi ce qui rebute les hétéros, car les marques ciblent les homos parce qu'ils sont de meilleurs clients, faisant craindre en retour aux hétéros de passer pour ce qu'ils ne veulent pas avoir l'air d'être. C'est particulièrement visible avec les plugs pour la prostate, le plaisir anal étant - à tort - associé au plaisir homosexuel.

En France, les hétérosexuels pensent encore que la virilité d'un homme se passe de toute aide, il faut prouver qu'on est "un homme, un vrai". Mais heureusement les chiffres montrent que les principaux acheteurs de sex-toys, hommes et femmes confondus, ont entre 25 et 35 ans. Comme quoi, les mentalités peuvent changer et les femmes se mettront peut-être à acheter des sex-toys pour leurs partenaires tout autant que pour elles !

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