Les reporters Dandois et Bourrat risquent "des mois et des mois de procès"

Ils voulaient tourner un reportage sur la condition des Papous. Plus encore, ils vouaient donner la parole aux rebelles Papous qui se battent pour plus d’autonomie en Papouasie, prendre le pouls, voir leurs réactions. C'est une question qui monte dans cette région du monde et pourtant on en parle très peu, ici, en France.

Je l’ai appris mercredi par la boîte de production. On a pu encore communiquer un jour et demi avec Thomas et après son portable a été confisqué. Mardi, Thomas m’avait dit qu’il allait se retrouver dans une zone ou vous il ne pourrait pas me joindre. Je savais qu’on pourrait pas parler pendant 9 jours, alors qu’il s’éloignait de la capitale de la Papouasie. C’est à ce moment là qu'il a été arrêté.

Pour lui, le risque c’était simplement de se faire expulser peu de temps après le début du documentaire, et donc de ne pas aller au bout du film. Personne ne pensait que 10 jours après s’être fait arrêté, on en serait encore là. Le risque encouru par les journalistes en Indonésie a jusqu’ici toujours été l’expulsion 48h après l’arrestation. On ne pensait donc vraiment pas que ça allait prendre de telles proportions. La question est maintenant de savoir s’il y aura procès ou non.

Thomas Dandois raconte son goût pour le terrain

Thomas Dandois, grand reporter by Ivredimages

Les autorités leur reprochent d’avoir enfreint la loi sur l’immigration. Ils avaient en effet demandé un visa touristique alors qu’ils sont journalistes et qu’ils avaient l’intention de tourner un reportage. Les autorités indonésiennes ne délivrent que très rarement des visas aux journalistes sur son territoire et la situation en Papouasie était de toutes façons sensible. La loi indonésienne prévoit 5 ans de prison pour ce genre d’infraction. Evidemment, le scénario catastrophe reste en soit le procès, car, d’après ce que j’ai entendu dire, cela peut durer des mois et des mois.

J’ai eu Thomas aujourd’hui. Il a pu me parler grâce à une équipe du consulat de France qui lui a permis de me passer un coup de fil. D’après ce qu’il m’a dit, ils sont retenus dans de relativement bonnes conditions: ils mangent à leur faim, ils ne sont pas tout le temps dans des cellules, et on leur lave leur vêtements. Mais le problème c’est surtout qu’ils sont isolés: ils se demandent qu’est-ce qui se passe et surtout ce qui va se passer. L’incertitude suscite une réelle inquiétude.

C'est quelqu'un qui a beaucoup d'expérience: il a couvert de nombreuses zones de conflit - le Niger, la Somalie et le Sud-Soudan. Il a été aussi à Gaza, en Birmanie... Il a été arrêté parce qu'il avait fait un reportage sur les rebelles Touareg - et avait été déjà incarcéré un mois en prison - bien que cette infraction était passible de la peine de mort. Fort de cette expérience mais aussi des conflits, des zones de guerre, c'est quelqu'un qui essaie toujours, malgré tout, de tirer du positif. Il occupe son temps: il fait par exemple du sport, des pompes - c'est très important qu'il garde les idées claires et ne se laisse pas abattre. C'est tout cela qu'il a tiré de son expérience.

Voici le sujet du JT diffusé lors de sa libération:

[Libération au Niger de Thomas Dandois et... by ina

J’essaie avec la boite de production d’Arte et Reporters Sans Frontières de faire en sorte qu’on en parle, sur les réseaux sociaux, la presse - le sujet a été notamment traité sur Canal+, France 2 et France 3. L'ambassade Française en Indonésie est très active, et surtout dévoué à la cause.

Il faut que vous les libériez ! Dix jours d’incarcération, c’est déjà trop. Libérez-les.

L’île de Papouasie est l’objet de conflits depuis de nombreuses années. Le Mouvement de la Papouasie Libre (OPM) tente depuis des années d’obtenir l’indépendance totale de la région. Ils accusent l’Indonésie d’exploiter les Papous, l’armée de commettre à leur encontre de graves entorses aux Droits de l’Homme, ainsi que de procéder au pillage des ressources naturelles de la région. La situation est très tendue entre les rebelles et les autorités indonésiennes. Cinq rebelles avaient été abattus dans le district de Lanny Jaya dans une altercation avec les militaires, et deux policiers avaient été abattus la semaine dernière peu de temps avant l’arrestation de Thomas Dandois et Valentine Bourrat.