On l'a compris en suivant la lutte des soignantes contre le coronavirus : le milieu médical souffre encore de sérieuses disparités. Et ce n'est pas la dernière enquête de la British Medical Association (BMA), c'est à dire le syndicat médical officiel du Royaume-Uni, qui contredira ce funeste constat. L'association professionnelle a effectivement contacté plus de 2 000 femmes médecins afin de les interroger sur leur carrière. Résultat ? Plus de 90 % d'entre elles ont déclaré que la ménopause - et ses effets - avait affecté leur vie pro. Un verdict qui alerte, à l'heure où l'Angleterre dénombrerait pas moins de 30 000 femmes médecins âgées de 45 à 55 ans.
Aujourd'hui encore, la ménopause reste un sujet trop peu abordé. Comme un tabou. Et pourtant, les incidences de cette phase sont loin d'être anecdotiques sur le corps, la santé et l'esprit des femmes concernées. Fatigue physique, troubles du sommeil, bouffées de chaleur, perte de confiance en soi ou encore anxiété... Les maux ne manquent pas. "La ménopause est une étape normale de la vie de toutes les femmes qu'elles vivent pourtant dans le silence du tabou qui l'accompagne", s'attristait récemment Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes.
Tout cela, les femmes médecins l'éprouvent - tout comme elles bloquent également à l'idée d'en parler, nous apprend la BMA. Mais à cette charge s'en ajoute une autre, professionnelle. Si lourde d'ailleurs que ces expertes de la santé expérimentées - occupant même le poste de directrice - prendraient leur retraite plus tôt et/ou réduiraient leurs heures de travail, quitte à accepter des postes moins rémunérés... Et là encore, les raisons s'entendent.
Quelles sont-elles au juste ? On le devine : le manque de soutien de leurs supérieurs durant cette période très spéciale, mais aussi le sexisme et l'âgisme vécus sur le lieu de travail. L'âgisme, c'est cet ensemble de préjugés - et de discriminations - ciblant un individu en fonction de son âge avancé. Une sérieuse double-peine. "Il reste très peu de femmes âgées de mon niveau (supérieur) au sein de ma profession. Et si je mentionnais mes symptômes de périménopause (les troubles annonciateurs de la ménopause, ndrl), je serais stigmatisée et l'on me manquerait de respect, comme si je n'étais plus capable ou rationnelle", déplore à ce titre l'une des voix sondées.
D'autres encore déclarent s'être senties "ridiculisées" par leurs responsables en évoquant ce sujet, perçu négativement ou simplement incompris. Autre bémol, le refus hiérarchique d'horaires plus flexibles, prenant en compte le vécu quotidien de ces professionnelles : l'institution ferait preuve d'une véritable "rigidité" niveau planning. "La ménopause m'a frappé comme une montagne russe. Je ne m'attendais pas à avoir des symptômes paralysants. J'ai résisté pendant deux ans, mais je souffrais de privation chronique de sommeil durant cette période. Parler de la ménopause en tant que médecin est encore tabou", témoigne à ce titre la radiologue Anne Carson. .
Par-delà ce manque d'empathie, le regard d'autrui et la stigmatisation qu'il implique importe beaucoup quand il est question d'évolution de carrière. Et bien qu'expérimentées, nombreuses sont les femmes médecins à ne pas supporter ce cap qu'elles doivent traverser seules. On s'en doute, de par ses conséquences concrètes sur leur vie pro, ce sentiment d'exclusion n'arrange en rien un panorama déjà touché par les inégalités salariales.
Mais aujourd'hui, la parole se libère. Un bon début puisque comme l'indique au Guardian la professeure de médecine Neena Modi, le rapport du syndicat britannique pourrait bien "inciter les employeurs à apporter un soutien approprié à leurs employées et à mettre fin aux non-dits recouvrant un processus physiologique pourtant normal". La BMA interpelle à l'unisson les employeurs. "Nous les appelons à adopter une approche proactive sur le sujet de la ménopause, à faciliter les discussions et à s'assurer que le personnel sait quel soutien est disponible", déclare l'association.
Espérons que le message soit passé.