Régine Tandavarayen : L’idée, c'est de promouvoir une mode qui respecte à la fois l’homme et l’environnement. C’est une mode qui a du sens et c’est une mode pour le développement. Elle utilise et valorise des savoir-faire locaux ou remet au goût du jour des savoir-faire particuliers tout en permettant à des coopératives, des ONG, voire même à des ateliers de réinsertion, d’aider et de soutenir des gens socialement par rapport à une démarche créative. D'un point de vue environnemental, on utilise des matières premières soit naturelles, soit biologiques, soit recyclées. La mode éthique est un mixe de tous ces éléments, du commerce équitable et des valorisations des savoir-faire issus de richesses particulières locales et de l’utilisation de matières naturelles.
On utilise le coton, le lin, le chanvre mais aussi la laine. Tout dépend vraiment du créateur, de sa situation géographique, de ce qu’il a décidé. On a des créateurs d’Amérique latine qui ont l’alpaga à portée de main, en Afrique c’est le coton biologique etc.
R.T : Pour moi, c’est un marché émergent qui évolue doucement mais sûrement. Il y a de plus en plus de créateurs qui ont envie de se lancer dans une démarche éthique. Dès le début de leurs créations, ils veulent vraiment donner du sens à leur mode. Il y a aussi des sociétés plus implantées qui se posent sérieusement la question de la mode éthique et qui essaient de mettre en place à côté de leur production classique des process plus écologiques.
En face, on a des distributeurs et des consommateurs, qui eux, se posent beaucoup de questions, se demandent ce que c’est. Ils ont tendance à mélanger mode éthique et mode ethnique. Ce marché est vraiment en train d’évoluer. Cette évolution se voit dans les styles et dans les démarches effectuées pour essayer de mieux informer les gens. On n’est plus à l’époque du macramé, du poncho péruvien, ce n’est pas ça la mode éthique. C’est aussi du prêt-à-porter qu’on peut tous porter, homme comme femme. Ca n’est pas non plus que du tee-shirt en coton bio, il s’agit d’une palette de créations et de produits divers et variés, allant des robes de mariés aux tailleurs, en passant par le sportswear ou le streetwear.
R.T : C’est assez difficile de répondre pour plusieurs raisons. La mode éthique va maintenant du produit basique sportswear jusqu’à des produits très couture. Donc évidemment la fourchette de prix est très large, comme dans le textile traditionnel. L’autre chose est que les gens ont associé la mode éthique au bio et donc à la nourriture qui est le marché qui a émergé avant le textile. On a pris l’habitude de penser que pour manger bio il faut manger plus cher. Les gens ont gardé cette idée en l’associant au textile. Mais ça n’est pas systématiquement vrai. Oui, il y a des produits plus chers parce qu’ils sont fabriqués éthiquement mais il y a une histoire derrière, il y a un niveau de qualité qui est différent, des choses faites à la main. Il y a aussi beaucoup de produits éthiques qui sont accessibles. Il y a des jeans qui sont fabriqués et conçus éthiquement et qui sont biens moins chers que des marques de notoriété mondiale et internationale où pour le moindre jeans il faut mettre entre 300 et 500 euros alors qu’un jeans en coton bio qui n’a pas été sablé, pour éviter que les travailleurs aient des cancers du poumons, mais a été vieilli au laser, arrive à des prix bien moins chers que ces grandes marques.
R.T : Je ne suis pas dans les secrets des firmes, mais j’aurais tendance à dire qu’il s’agit plus de ce qu’on appelle du « greenwashing », c'est-à-dire faire du vert juste pour faire de la pub et de la com, qu’une réelle et profonde démarche initiée de bout en bout pour transformer la collection en mode éthique. Maintenant, je suis plutôt dubitative et je pense que le profit est encore une très grande priorité. Cela dit, ça reste une entreprise commerciale, il est normal que sa priorité soit la rentabilité. Je pense qu’il ne faut pas jeter la pierre et systématiquement se dire qu’il n’y a aucun espoir pour que les grandes industries se lancent un jour dans la mode éthique. Je pense qu’il y a certaines sociétés qui ont pris conscience qu’il était temps de faire quelque chose. Certaines commencent à sortir du « greenwashing » et réfléchissent vraiment au sujet. Mais cela prend du temps, autant pour les petits créateurs, faute de moyens, que pour les gros industriels. Ces derniers ont une certaine inertie car leurs machines sont tellement grosses à gérer qu’ils ne peuvent pas tout changer du jour au lendemain. Ils sont obligés d’abord de tester avec une partie de leur collection. Je pense qu’ils finiront par y arriver s’ils le veulent vraiment.
R.T : Je suis plutôt optimiste et confiante de nature, mais il faut être réaliste. C'est un marché difficile, et la conjoncture économique actuelle ne va pas aider. Si la priorité d’une famille est de savoir comment nourrir ses enfants, ils ne vont pas aller acheter éthique pour l’instant. Malgré tout, je suis vraiment persuadée que c’est une démarche de fond et non juste un effet de mode. Cela va prendre beaucoup de temps, mais ce n’est pas éphémère du tout.
Claire-Marie Allègre
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