Société
L'engrenage du harcèlement qui a conduit à la mort d'Alisha, 14 ans, tuée par ses camarades
Publié le 15 mars 2021 à 12:46
Par Louise Col
Le corps d'Alisha, collégienne de 14 ans, a été retrouvé sans vie dans la Seine, le 8 mars. Assassinée par deux de ses camarades, la jeune fille a d'abord été victime de harcèlement. Aujourd'hui, les deux accusé·e·s risquent 20 ans de prison.
Marche blanche en hommage à Alisha le 14 mars 2021 Marche blanche en hommage à Alisha le 14 mars 2021© Abaca
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"Homicide volontaire avec préméditation", c'est ainsi que le procureur de la République de Pontoise Eric Corbaux a qualifié l'acte qui aurait été commis par deux collégien·ne·s, une fille et un garçon âgé·e·s de 15 ans, sur leur camarade, Alisha, 14 ans. Lundi 8 mars, à 20h45, le corps de la jeune fille a été retrouvé sans vie dans la Seine, marqué de nombreux hématomes au visage et dans le dos.

A ce drame terrible s'ajoute de longues semaines de harcèlement. Les deux adolescent·e·s ont été déféré·e·s pour assassinat le 11 mars. Lors d'une conférence de presse tenue ce jeudi, le magistrat a détaillé l'engrenage qui a mené à ce triste dessein.

Une photo piratée

Les trois élèves se rencontrent en septembre 2020, lors de la rentrée au lycée professionnel privé Cognac-Jay, à Argenteuil. "Une brève relation amoureuse s'était nouée entre le jeune homme et la victime", explique le procureur, précisant que les deux jeunes filles se nouent en parallèle d'amitié. Au bout d'une semaine, le collégien, T., aurait mis un terme à son idylle avec Alisha, lui préférant sa copine, J. Les deux jeunes filles restent par ailleurs en bon terme, la première fournissant même cours et devoirs à la deuxième fréquemment absente, "ce que le jeune homme a du mal à accepter", poursuit-il.

En février 2021, l'affaire prend une tournure menaçante. Une photo d'Alisha en sous-vêtement, piratée sur son compte Snapchat resté ouvert, est diffusée par l'ex à toute la classe sur le même réseau social. Le lycée est averti, l'élève exclu provisoirement en attendant la décision du conseil de discipline d'abord prévu le 2 mars, puis reporté au 9. "Aucune plainte, aucune mention, aucune main courante n'a été enregistrée à ce jour pour évoquer ces faits auprès du commissariat d'Argenteuil", lance Eric Corbaux.

Le 1er mars, une bagarre éclate devant les toilettes des filles, entre la victime et J. Là aussi, cette dernière est exclue provisoirement avant un conseil de discipline qui devait être tenu le 9 mars. Lequel n'aura jamais lieu.

Préméditation

Le 8 mars, Alisha retrouve J. à la gare d'Argenteuil. Elles se rendent sur le quai Saint-Denis, un endroit qu'elles avaient l'habitude de fréquenter, selon LCI. Le procureur livre le déroulement glaçant des faits. "Après avoir discuté quelques minutes, le jeune homme qui était dissimulé se serait approché de la victime et lui aurait donné par surprise des coups au visage, lui aurait tiré les cheveux puis lui aurait fait une balayette", la faisant tomber à terre. "Il lui aurait donné ensuite des coups de pieds alors qu'elle était au sol dans le dos et la tête. La jeune fille n'aurait quant à elle pas donné de coups. La victime, à ce moment-là, était encore consciente. Elle gémissait les yeux ouverts."

T. et J. s'emparent d'Alisha et la jettent dans le fleuve, à quatre ou cinq mètres de hauteur du quai, puis partent pour le domicile du garçon. Sur place, ils évoquent les faits à la mère de ce dernier, qui se rend immédiatement sur les lieux du crime et découvre un gant et un cheveu noir appartenant à la collégienne. Elle alerte le commissariat d'Argenteuil à 19h30. Quand elle revient chez elle, aucune trace du couple. Il sera interpellé à 2 heures du matin chez un ami de T., qui n'était alors pas au courant de leurs actes.

Leur mobile : T. en aurait eu assez qu'Alisha continue d'être amie avec J. La victime aurait également eu des mots à propos du père du garçon, celui-ci proférant des menaces en retour sur les réseaux sociaux, rapporte le JDD. "On sait qu'il y avait cette rivalité, ce vol de photo, la bagarre entre les deux jeunes filles, le jeune homme se plaignant également que la jeune fille parlait mal de son père décédé. On est sur ces futilités là", déplore le magistrat.

"Il ressort des investigations et des auditions que des SMS entre le jeune homme et la jeune fille ont été échangés", détaille-t-il encore. "Dans ces messages, ils évoquaient quelque chose à faire avec la victime. La jeune fille, à la demande de son copain, aurait proposé verbalement à la victime de se rencontrer le 6 mars pendant le week-end ce que la victime aurait refusé". Des faits qui font pencher la justice pour la préméditation.

"Le cyberharcèlement doit être sanctionné plus sévèrement"

Ce dimanche 14 mars, une marche blanche était organisée à Argenteuil. 2000 personnes étaient présentes, dont les parents d'Alisha. "On m'a arraché une partie de moi. Plus rien ne sera comme avant", a lancé Jenny Khalid, sa mère, à LCI. "Ça pourrait être votre fille, votre soeur", a enchaîné son père. Jean-Michel Blanquer a lui condamné fermement : "le cyber-harcèlement doit être sanctionné plus sévèrement", et salué qu'il y ait "de plus en plus de conseils de discipline liés à ce type d'affaire".

Une affaire sordide pour laquelle les suspect·e·s risquent chacun·e maximum 20 ans de prison, et n'auraient pas eu "de remords immédiats".

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