D'ou vient cette quête de l'orgasme simultané ? Hommes et femmes sont égaux dans la quête de cet orgasme, qui serait plus grand, plus beau et plus fort, comme s'il symbolisait à lui tout seul la force de la relation amoureuse. Les médias eux-mêmes lui confient une forme de supériorité. Or, jusqu'à la fin de la première moitié du XXe siècle, personne n'y pensait. Que s'est-il passé depuis qui réveille un tel engouement pour le saint Graal ? Et cette recherche est-elle réaliste ?
Il faut relier cette quête avec l'histoire du divorce. S'il ce dernier existe en France depuis le Moyen-Age, les règles étaient strictes et il n'a cessé de disparaitre et ré-apparaitre. Le 19e siècle a été particulièrement puritain, la sexualité a été médicalisée et une morale rigide s'est imposée partout. La première partie du 20e siècle n'était guère mieux : c'est l'époque où l'on remettait aux femmes des manuels pour leur apprendre à supporter sans rechigner le "devoir sexuel". Tout a basculé dans les années 60 avec la libération sexuelle, la contraception, l'avortement, et le recul de la religion dans la sphère privée, qui ont permis aux femmes de jouir "sans entraves". Et c'est précisément au moment de la généralisation et la simplification du divorce que le besoin de jouir ensemble est né : la compatibilité sexuelle est devenue à ce moment-là la meilleure promesse de stabilité du couple et de la famille. C'est sans doute aussi la raison pour laquelle, depuis cette époque, les magazines féminins ont une rubrique pour aider les femmes à s'épanouir sexuellement : le nouveau contrat des couples, c'est une sexualité heureuse, avec, idéalement, une synchronisation des orgasmes.
Alors, comment fait-on ? En principe, cela arrive plus facilement lorsqu'il y a une maîtrise mutuelle des comportements et des réactions sexuelles, donc a priori avec un partenaire connu plutôt qu'inconnu. Il faut également que l'homme sache et veuille contrôler son éjaculation, ce qui est rarement le cas chez les moins de 30 ans, mais fréquent chez ceux de 40 ou 50 ans, qui - s'ils aiment faire l'amour (par opposition à une éjaculation rapide et égoïste) - aiment attendre que leur partenaire jouisse pour le faire à leur tour.
La seule pénétration n'est pas le meilleur moyen d'y arriver : il faut soit compléter d'une masturbation du clitoris, soit envisager d'autres jeux sexuels, parce qu'une majorité de femmes ne jouit pas par simple pénétration. Dans le cas où la femme connaît assez bien son corps pour être multi-orgasmique (elle a généralement plus de 30 ans elle aussi), les chances sont multipliées, la probabilité que les partenaires jouissent en même temps augmente. L'idéal est en tout cas est de trouver le moyen de ne pas se focaliser sur le sujet, d'y penser à d'autres moments, parce que, si une femme obnubilée par le besoin d'arriver à l'orgasme a peu de chance de le rencontrer, un couple obsédé par cette symbiose risque de faire chou blanc et de passer à côté de beaucoup de plaisirs.
L'équation avoir le bon âge / y penser sans y penser, n'est pas simple. Mais cela ne veut pas dire que l'objectif n'est pas atteignable, pour qui y tient vraiment.